Je suis maintenant blogueuse depuis le mois d’octobre 2018. Hashtag Blogger. Bon, c’est vrai que vu le sujet du blog, je ne m’attendais pas spécialement à recevoir des colis de rouges à lèvres ou des marques de vêtements à promouvoir sur le blog en mode #ad #sponso et compagnie. Par contre, il y a quelques semaines, j’ai eu une jolie surprise. Cette jolie surprise venait du CORSCI INCAL UCLouvain (en langage courant : « des représentants du corps scientifique de l’Institut des Civilisations, Arts et Lettres de l’Université catholique de Louvain ») : ils me proposaient d’animer un atelier doctoral le 11 février 2019.

C’est en effet grâce au blog que j’ai eu l’occasion d’être contactée pour cette animation à la saveur particulière. Cela a été clair dès le départ : j’avais carte blanche pour le contenu et sur la formule à utiliser. Je savais simplement que le thème choisi tournait autour de la thèse au quotidien : les attentes, les difficultés et les ressources motivationnelles.

Mais dans le fond, c’est quoi un atelier doctoral ? De plus en plus, dans les universités en FWB, naissent des initiatives permettant aux doctorant.e.s de prendre la parole et de partager leur expérience. Les ateliers permettent cela : décloisonner les doctorant.e.s, leur permettre de se sentir moins seuls et mettre en place des solutions face à l’inconnu (ou face aux trucs connus et pas chouettes) de la thèse.

Un atelier, oui mais comment?

Dans la mesure où cette session était la première d’une série de 3 ateliers, dont les suivants sont consacrés à la gestion de la thèse en mode projet, et aux ressources motivationnelles en tant que telles, j’avais décidé d’orienter les discussions autour de thématiques générales autour du quotidien du doctorat. L’objectif était « d’ajouter un peu de levure au gâteau doctoral » : en bref, de prendre de la hauteur et réfléchir ensemble sur la thèse en prenant le recul nécessaire. En effet, quand on est en thèse, quel que soit le stade d’avancement, le risque est généralement d’avoir le nez dans le guidon, d’en sortir difficilement et donc de se bloquer sur ses propres difficultés.

Le but de l’atelier était de permettre, tout en parlant vrai autour de la thèse, de partager les expériences, d’identifier les difficultés rencontrées durant la thèse et de tenter d’en trouver des solutions. Evidemment, sur une durée de 2h, il était impossible de tout évoquer et de tout traiter. L’idée était aussi que l’ensemble des doctorant.e.s présent.e.s puissent repartir en se posant les bonnes questions et avec des pistes pour les aider à mieux surmonter certains problèmes.

La formule était simple. J’ai commencé l’atelier par un tour de table. Etant donné que l’objecif de l’atelier était – aussi ! – de nouer des contacts avec d’autres doctorant.e.s en détresse, j’ai suggéré une présentation en binômes : par groupe de 2, les participant.e.s allaient échanger sur leur sujet de thèse, leur état d’avancement, leur état d’esprit général par rapport à la thèse, et – histoire de pas totalement plomber l’ambiance – je leur ai également demandé de faire part de 3 choses dont ils étaient fiers dans le cadre de leur parcours doctoral. Parce que oui, il y a toujours bien de quoi être fier et c’est important de pouvoir le mettre en avant de temps en temps. 

Ce que je pensais être une étape sympathique, gentillette et vite bouclée a par contre rongé une partie significative de l’atelier puisque nous étions beaucoup plus que prévu : 21 participant.e.s ! Alors c’est très très chouette parce que ça veut dire que ces ateliers répondent à un véritable besoin, mais c’était pas tout à fait prévu dans mon super planning minuté (non). Qu’à cela ne tienne : cela nous a donné l’occasion de découvrir toute une série de sujets de thèse passionnants et de tirer des premières conclusions interpellantes… cf. infra #teasing

Ensuite, avant d’aborder les difficultés de la thèse, il me semblait important de revenir sur ce qui fait l’essence de la thèse et ce sur quoi il est impossible de faire l’impasse en tant que doctorant.e.s. Savoir distinguer les exigences incontournables des « choses-à-faire-mais-peut-être-pas-tant-que-ça » permet en réalité de faire un tri plus efficace quand il s’agit de mieux organiser son travail.

Enfin, la question des difficultés a été abordée. J’ai pris le parti de diviser l’assemblée en petits groupes (environ 4-5) et de premièrement les faire réfléchir en mode « brain-storming » sur toutes les difficultés qui leur venaient à l’esprit. Notées une à une sur des post-its, ces difficultés ont ensuite été classées par catégories. Pour éviter que ne poussent des racines aux pieds des participant.e.s, je les ai un peu fait bouger et leur ai demandé d’aller faire un tour chez les autres groupes et de mettre des petites gommettes sur les post-its dans lesquels ils se reconnaissaient, soit en tant que groupe, soit individuellement.

Dans un monde idéal de bisounours où le temps est un chewing-gum qui s’allonge à l’envi, mon idée était ensuite de passer en revue l’ensemble des difficultés indiquées sur ces fameux post-its et de tenter, ensemble, de trouver des solutions pour chacune d’entre elles. Je n’avais en effet pas tellement envie que l’atelier tourne au groupe de parole où on se plaint et on en ressort déprimé : il me paraissait indispensable de ne pas rester bloquer sur les aspects négatifs de la thèse. Malheureusement il n’a pas été possible d’aborder l’ensemble des difficultés et donc d’y trouver des solutions, mais je garde l’espoir secret (sic) qu’un jour ça sera possible.

Un atelier, oui mais quoi?

On en retient quoi finalement? Que les ateliers doctoraux sont nécessaires ! Avec une vingtaine de participations, je pense qu’on peut vraiment en conclure que les doctorant.e.s ont besoin d’être entouré.e.s, écouté.e.s et qu’on leur propose des activités de réflexion autour de leur pratique. Et vu que l’atelier avait lieu lors de la journée mondiale des femmes et filles de science, je ne peux m’empêcher de soulever la présence écrasante des femmes, présentes en masse puisqu’on ne comptait que 4 hommes dans l’assemblée. « Où sont les femmes » se demandait-on le matin même à l’ARES : eh bien c’est simple : elles sont en faculté de Philo et Lettres !

Lors du tour de table, plusieurs constantes. Quand il s’agissait de décrire quel était l’état général face à la thèse, une réponse a connu un succès fou :« ca va, MAIS », l’état d’esprit est « bon, MAIS ». Comme pour tout en effet, l’expérience doctorale n’est pas forcément toute blanche ou toute noire : oserais-je même dire qu’il y a 50 nuances de gris ? Non, mais je le dis quand même. Un état d’esprit ainsi relativement mitigé face à la thèse ressortait clairement et on a pu constater que celui-ci dépendait généralement de l’état d’avancée de la thèse. Les jeunes doctorant.e.s étaient généralement plus positifs et nettement moins désabusés que leurs ainée.e.s, davantage happés par des obligations diverses-zé-variées qui les empêchent de terminer leur rédaction dans des conditions sereines.

Et justement, un autre élément qui est revenu très souvent dans le tour de table : le manque de temps. Cela était lié à une autre constante : la multitude d’activités hors-thèse de quasiment chaque participant.e. Entre organisation d’évènements, colloques, journées d’études, gestion administrative, cours à préparer et à dispenser : en la matière, ce sont tant les aspects positifs que négatifs qui ont été soulevés. Comme je l’évoquais ici, le fait d’avoir autre chose à faire que la thèse peut avoir des effets très positifs puisque cela permet de prendre un peu de recul par rapport à la thèse et à mieux aménager certaines plages de travail. Par ailleurs, l’accumulation d’activités pèse bien entendu sur l’organisation et l’implication dans le travail doctoral, pompant ainsi un temps précieux qui pourrait être consacré à la thèse. Culpabilité vous dites ?

Un autre élément récurrent : la course aux financements. Les participant.e.s étaient rares à avoir un parcours linéaire, type mandat d’aspirant en 4 ans et puis terminé-merci-bonsoir. Entre mandats FRESH, FSR, PDR, bourses WBI, mandats d’assistants, thèses sur fonds propres : tous les cas de figures étaient représentés. Financer sa thèse relève parfois de l’exploit et ça ne rend tous les participant.e.s que plus méritant.e.s !

Quant aux exigences, les participants ont relevé celles-ci : la participation à l’école doctorale (si j’étais honnête, je dirais que cette évocation a été suivie de quelques soupirs), la rédaction de la thèse en tant que telle, d’articles, les nombreuses lectures, la préparation de la soutenance, mais aussi les tâches administratives. C’est en effet important de réaliser que ce qui relève souvent d’un véritable boulet bureaucratique est quand même le plus souvent une exigence : aucun.e doctorant.e ne peut passer à travers les mailles du filet administratif. Organisation de la cotutelle, signature de documents indispensables pour le bon éroulement du doctorat, remboursement de frais divers, rapports de reporting en tous genres, etc. : il y en a pour tout le monde ! C’est important de le rappeler parce qu’il faut absolument tenir compte de cela dans l’organisation du travail.

En réalité, le caractère obligatoire de certaines activités dépend généralement de ce qu’on souhaite faire de sa thèse. Envie d’une carrière académique ? Alors le curseur des exigences se portera davantage sur la qualité des publications et des revues, sur le caractère international de la carrière, le nombre de communications à des colloques. Si au contraire, l’objectif est de quitter le circuit académique – ce qui sera le cas pour une majorité de docteur.e.s – il faut davantage réfléchir en termes de compétences acquises durant la thèse : se concentrer sur les formations, les activités professionnalisantes (charges d’enseignement par exemple) ou encore l’ancrage local.

 

Ensuite est donc arrivé le moment d’énoncer les PhDifficultés. Si je ne devais en tirer qu’un seul enseignement, je dirais ceci : absolument tout le monde est confronté aux mêmes difficultés. Bien entendu, en fonction du parcours, certains aspects plus particuliers peuvent ressortir, mais les difficultés formulées concernaient clairement chaque participant.e. Je mentionnais plus haut le fait que j’ai demandé aux participant.e.s d’appliquer une petite gommette sur les difficultés qui leur parlaient et le constat était sans appel : tous les post-its étaient recouverts de gommettes ! Se sentir moins seul.e.s dans les difficultés rencontrées, c’est déjà un bon début.

Voici ce qui a été soulevé par les participant.e.s, dans un ordre totalement anarchique comme je les aime : la recherche de financement (savoir où et comment postuler), la procrastination, le manque de sens dans le travail, les aspects administratifs et bureaucratiques liés à la thèse, la gestion du temps, l’autodiscipline, l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, la gestion du quotidien et des objectifs fixés, la solitude au travail, se fixer des limites pour pouvoir respecter les échéances, savoir dire non et stop, que ce soit aux sollicitations extérieures ou même au promoteur / à la promotrice, la gestion de leurs attentes, de sa propre culpabilité, les rapports parfois compliqués avec le monde non académique (expliquer ce qu’on fait, devoir se justifier de « ne pas avoir un vrai travail ») et la définition de sa propre méthodologie.

Nous avons en réalité surtout abordé le de sentiment d’imposture. Je l’ai déjà évoqué sur ce blog et, si on sait qu’il s’agit là d’une véritable problématique qui touche un nombre important de doctorant.e.s, il me paraissait important d’aborder des pistes pour minimiser les effet de cette sale crasse de sentiment. La première question est à se poser est ici de savoir comment ce sentiment se manifeste et ce qu’il induit comme blocages : c’est surtout la difficulté de se mettre à écrire qui a été abordée, et l’impression de n’écrire que des âneries. A ce sujet, il a été question de trouver quelqu’un (hors promoteur ou promotrice) pour relire le travail : une mère, un frère, un collègue, une amie, tout est bon à prendre. En réalité, faire relire le travail par quelqu’un d’extérieur (et a priori novice) diminuera la pression et permettra généralement de coucher plus facilement ses mots sur le papier. A ce sujet, la conférence « Assied-toi et écris ta thèse ! » a également été évoquée plusieurs fois : pour la revoir, c’est par ici.

Plusieurs participantes ont évoqué le fait qu’elles tenaient un journal de thèse. Cela permet bien entendu de garder une trace de tout ce qui est réalisé : et donc de se rendre plus facilement compte qu’il y a beaucoup de travail abattu ! Cela permet de se sentir plus légitime et de diminuer les effets du sentiment d’imposture. Il a également été conseillé d’utiliser une application Toggl : celle-ci permet de mesurer le temps passé sur une ou plusieurs tâches et rend ainsi visible la productivité sur une journée, une semaine ou un mois ! L’application Fucking exams a également été mentionnée : cette application permet de gérer et d’optimiser son temps en session d’examens mais cela peut être transposé à la rédaction de la thèse.

Mais attention ! Opgelet ! Il faut toutefois rester prudent et prendre ces conseils avec des pincettes : ce qui a marché pour l’un ne fonctionnera pas forcément pour l’autre, et vice versa. Il est indispensable de tester des formules, des techniques pour trouver sa propre voie et sa propre méthode.

Je remercie encore une fois Nathalie, Anh-Thy, Corentin, Sarah et Annick d’avoir pensé à moi pour cet atelier, qui était une première pour moi, et qui me permet de re-calibrer certains éléments en fonction de leur pertinence ! Et merci bien entendu aux participant.e.s d’être venu.e.s en si grand nombre !

Identifier les PhDifficultés : retour sur une animation d’atelier doctoral
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Un avis sur « Identifier les PhDifficultés : retour sur une animation d’atelier doctoral »

  • 13 février 2019 à 22 h 41 min
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    Merci à toi d’être venue! 🙂

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