« Will you be my guide ? » : (Bien) choisir son directeur ou sa promotrice de thèse

What-Sup continue cette semaine son exploration du RMT (Royaume Magique de la Thèse), mais comme il est facile de se perdre en chemin, cette fois, on cherche à se faire accompagner par un – ou plusieurs – guides. Le guide est un élément indispensable pour pouvoir se balader en toute sécurité dans le RMT. Mais attention, attention, attention : il faut bien choisir ! Certains d’entre eux vont vouloir te faire prendre des chemins sinueux et compliqués sous prétexte que ton voyage est initiatique et que pour pouvoir quitter le Royaume dignement, tu dois souffrir. D’autres vont réfléchir avec toi sur le chemin à prendre, sur la route à suivre et vont même parfois discrètement, du bout de l’orteil, tracer un bout de ton chemin. D’autres guides enfin te persuadent que tu vas très bien te débrouiller et te regardent avancer de loin en te faisant un discret signe de la main de temps en temps. Ce guide, c’est la personne qui va diriger ta thèse (#métaphoresubtilissime).

Vaste, vaste, vaste, VASTE sujet que celui du choix du directeur ou/et de la directrice de thèse. Il est indissociable du choix du sujet de thèse, d’ailleurs j’aurais pu commencer cette série de billets par la direction plutôt que le sujet, mais mon blog, mon choix, okay #militantisme. Il y a essentiellement deux termes sensiblement équivalents pour qualifier cette personne qui va te « guider » tout au long de ta thèse : le directeur/la directrice, et la promotrice/le promoteur. C’est intéressant parce qu’on est là face à deux conceptions centrales du travail d’accompagnement des doctorant.e.s. Le directeur (ou la directrice) est la personne qui dirige, et donc qui pilote le travail de thèse, théoriquement de A à Z. La promotrice (ou le promoteur) est la personne qui va donner l’impulsion à un projet, puis qui sera chargé.e de suivre celui-ci. Dans tous les cas, il ou elle supervise le travail en intervenant, théoriquement, de l’avant à l’après-thèse, et ça, c’est vachement important. Mais comment qu’on fait pour piocher la bonne personne ? Parce que j’aime varier les plaisirs, cette semaine, on va plutôt partir de la pratique et voir ce qu’on peut en retirer.

Ma vie, mon œuvre, mes trois directeurs de thèse

J’espère que tu as quatre jours et sept nuits devant toi, parce que le récit de « Sophie et ses directeurs de thèse » n’est pas une rapide petite sérénade. Ce n’est pas tellement un conte de fée non plus. C’est plutôt un western. Ouais c’est bien ça un western. « Le bon, le bon, et le truand ». Oops. Bon, j’exagère, mais tu vois le tableau. Pour te mettre dans le bain, je vais te faire lire un extrait de mes remerciements de thèse, où j’ai remplacé leur nom par leur ordre d’arrivée dans ma PhD-Life pour respecter leur vie privée : « Mes premiers remerciements vont naturellement à mes directeurs de thèse. D’Andenne aux fornications carolingiennes, N°1 [aka Papi Chulo] a toujours suivi mes recherches avec un enthousiasme sincère et encourageant. À mes côtés depuis de nombreuses années, N°1 ne s’est jamais agacé face à mes incertitudes et à mes nombreux découragements, il a toujours su trouver les mots pour manifester son soutien et sa foi en mes capacités. Qu’il en soit plus que jamais chaleureusement remercié. J’ai eu la chance de terminer cette thèse sous la co-direction de N°3, que je remercie de m’avoir fait l’amitié d’accepter de prendre le train de ce travail en marche et de m’accompagner durant un peu moins d’une année. Il est évident que la réalisation de ce travail n’aurait pas été possible sans l’initiative de N°2, qui m’a permis d’obtenir un financement doctoral entre 2011 et 2014 et qui a dirigé ma thèse de doctorat durant quatre années ». Analyse du discours, vous avez 2h.

J’ai donc commencé ma thèse à Limoges sous la co-direction de N°1 et N°2, aux profils assez différents. J’ai dit « assez différents » ? Pardon, je voulais dire « TELLEMENT OPPOSES QUE CA ME FOUT LES BOULES, L’UN EST LE JOUR L’AUTRE EST LA NUIT COMMENT JE VAIS GERER CA». Pour des raisons d’incompatibilité de caractère, j’ai décidé, en fin de thèse, de divorcer de N°2 et de le remplacer par N°3. Je vais te la faire courte et t’épargner les détails sordides, mais c’est un peu parti en cacahouète quand N°2 a décidé de migrer outre-Rhin en gardant ses doctorants under his umberella-ella-ella. En gros, j’allais avoir un directeur fantôme, dont les contacts passeraient essentiellement par Skype et les mails. Autant dire plus de contact. Plus le temps passait, plus l’incompatibilité et l’absence de soutien étaient difficiles à gérer pour moi. Je suis alors rentrée à Bruxelles, j’ai eu la chance d’être engagée comme assistante dans une chouette petite université toute mims où j’ai trouvé N°3, puisque N°2 m’avait clairement fait comprendre qu’il ne me soutiendrait pas si je cherchais un autre financement pour pouvoir continuer ma thèse (sachant que le système français part sur le principe que 3 ans pour faire une thèse de doctorat c’est largement suffisant. C’est faux). Plutôt que de lister les raisons, parfois subjectives, qui m’ont incitée à changer de direction en fin de thèse, je préfère mettre en évidence ce que j’ai retiré de tout ça, et ce qu’il est important d’avoir en tête dans le cadre de la relation doctorant.e/encadrant.e.

Le premier élément essentiel ici c’est que le choix de la personne qui supervise ton travail, c’est un peu comme le choix de la personne avec qui tu vas partager ta vie : il faut qu’elle te convienne. Un directeur n’est pas bon ou mauvais en soi, ce qui compte, c’est que la relation fonctionne. Il n’est pas rare qu’un même directeur entretienne des relations très différentes avec chacun de ses doctorants, pour la simple et bonne raison que nous sommes tous différents (c’est pas du scoop ça, franchement ? En tout cas c’est le même niveau de BREAKING NEWS que cet article paru il y a quelques jours dans la presse belge). Certains doctorants aiment qu’on leur lâche la grappe, d’autres ont besoin de rendez-vous hebdomadaires avec leur directeur : chacun son staÿle.

En outre, le choix du directeur se fait en fonction du domaine de prédilection et du sujet sur lequel tu as décidé de consacrer ta vie et ton sang travailler. Il faut être un peu au courant des travaux et publications du candidat-directeur, comprendre l’approche scientifique choisie, et si tu n’y adhères pas, tu dois au moins pouvoir être prêt.e à en parler. Le problème que ça peut engendrer, c’est que tu n’as en réalité pas toujours le choix de la personne : en fonction de ton sujet, il pourrait très bien n’y avoir qu’un.e seul.e spécialiste dans ton rayon. Et en fonction de la taille de ton université, il ne peut aussi n’avoir qu’un seul prof nommé dans ton domaine tout court. Et dans ce cas-là, tu as plutôt intérêt à avoir envie de travailler avec lui/elle ! Sinon, bonjour la déprime (bis).

Tu choisis donc un.e spécialiste d’un sujet, mais aussi – je sais ça paraît dingue – un être humain : l’émotionnel peut beaucoup entrer en jeu dans le cadre d’une thèse (#believeme), et il faut bien avoir conscience de l’impact que ça peut avoir au quotidien. C’est là qu’il faut mettre ta vieille casquette de Sherlock pour mener ta petite enquête auprès d’autres doctorants : « Tu en penses quoi ? Il est sympa? Elle t’écoute quand tu parles ? Il réalise que c’est ta première réelle expérience de recherche ? Elle apporte le café le matin ?». L’empathie est une qualité pas complètement inutile à rechercher chez la personne qui supervise une thèse. Il semble en effet que certains directeurs ont tendance à oublier que des éléments extérieurs à la recherche et à la thèse peuvent mettre à mal le travail (vivre loin de sa famille par exemple, ou vivre à Limoges, par exemple. Ou les deux, par exemple). Et que parfois un petit « je sais que c’est pas facile mais voici ce que tu pourrais faire pour faciliter ta recherche » vaut mieux qu’une moue détachée et une oreille distraite. Le directeur n’est en aucun cas là en tant que bureau des plaintes, on est bien d’accord, mais se mettre à la place de la personne qu’on n’a en face de soi est sans conteste un bon moyen de rencontrer ses besoins et de la conseiller au mieux.

Enfin, étant donné que la thèse est un travail conjoint, il faut pouvoir s’adapter l’un à l’autre : comme ça, je donne un peu l’impression que tout repose sur les épaules du directeur et que tous les efforts doivent venir de son côté. Néanmoins, comme dans toute relation humaine (parce que oui, même si ton directeur semble venir d’une autre planète, on reste dans une relation humaine), il faut que les efforts viennent des deux côtés. Il y a des droits et des devoirs chez tout le monde et il incombe à chacun.e de remplir sa part du contrat, comme précisé dans les Chartes des thèses :

Pour les doctorant.e.s : être disponible, organiser sa recherche, informer de l’avancée des travaux, soumettre des résultats et des pages, accepter les remarques.

Pour les directeurs et promotrices : être disponible, conseiller, veiller à l’autonomie du/de la doctorant.e, relire les pages, faire des commentaires constructifs (= mon élément déclencheur du divorce avec N°2), proposer un accompagnement méthodologique.

Il faut enfin avoir conscience qu’il est tout à fait possible pour une directrice ou un promoteur de refuser d’encadrer une thèse. Par exemple, et ça serait tout à son honneur parce que ça ne doit pas arriver souvent, parce qu’il ou elle a déjà trop de thèses à diriger, ou qu’il ou elle ne se sent pas à l’aise avec le sujet envisagé.

 

En bref : discuter, se renseigner, et (bien) choisir :

Le Grand Voyage (II) : la direction de la thèse
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2 avis sur « Le Grand Voyage (II) : la direction de la thèse »

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