Etant donné qu’il s’agit très précisément de mon job et que je n’ai nulle envie de cracher sur cette douce main qui me nourrit gracieusement, il est évident que ma réponse va être claire, nette et sans appel : OUI. Bien sûr que les universités s’intéressent aux doctorant·es, à leur parcours et à leur avenir. Bien sûr qu’elles développent, dans la mesure du possible, plein de chouettes choses pour leurs candidat·es au doctorat et qu’elles tentent de les accompagner au mieux. Et pour témoigner (et apporter une réponse un peu moins partiale), j’appelle à la barre le projet PhDs@Work.

PhDs@Work ? Qu’est-ce que quoi ?

Le projet PhDs@Work est un projet interuniversitaire financé par la Région wallonne qui vise à développer le potentiel des docteur·es des universités francophones de notre petit et plat pays. Rien que ça ! C’est donc un projet qui – comme l’usage du terme « interuniversitaire » pouvait le laisser présager – regroupe les six universités de la FWB et l’asbl Objectif Recherche. Amélioration du parcours, optimisation de l’offre de formation, accompagnement collectif et individuel en vue de l’insertion socio-professionnelle : si certaines choses déjà mises en place dans chaque université, il faut bien avouer qu’il y a encore du chemin à parcourir (et des moyens à obtenir) avant de pouvoir proposer quelque chose qui envoie vraiment du pâté. Je propose dans ce billet de revenir sur certains éléments abordés dans le cadre du projet mais – et ton esprit vif l’avait deviné – je ne vais pas tout détailler ici-même parce qu’il est important de conserver un peu de mystère dans la vie.

Dans le cadre du projet, chaque partenaire est responsable du développement d’un workpackage composé de délivrables (#vocabulairedegestiondeprojet) qui sont – ou non – transférables aux autres partenaires. Certains outils seront en effet uniquement mobilisés par l’université qui les produit. Très concrètement : par exemple, l’Université Saint-Louis – Bruxelles a pour objectif, dans le cadre du projet, de lancer une Agence de diffusion des sciences (humaines) qui servira de vitrine pour les activités de l’université uniquement. L’UNamur va bientôt proposer un “Welcome Pack” à ses doctorant·es, l’UMons a lancé le PhD College et la PhD House. A l’UCLouvain (où je m’occupe jour et nuit du projet), nous mettons notamment en place une brochure qui permettra aux doctorant·es d’avoir les outils nécessaires pour réaliser leur bilan de compétences. Cet outil est totalement transférable et pourra être utilisé par les autres universités. Autrement dit – et pour utiliser le jeu de mot favori des professionnels du recrutement – l’outil sera bientôt … prêt à l’emploi. Ha ha ha.

A gauche : Le monde du recrutement
A droite : le reste du monde

Les compétences des docteur·es sous le feu des projecteurs !

Et comme d’habitude, je ne dis pas ça que pour la rime (un peu, mais pas que). L’un des volets du projet est de renforcer et valoriser les compétences transversales des doctorant·es afin d’optimiser le taux et la qualité de leur employabilité, mais aussi d’améliorer leur bien-être. Excusez du peu ! C’est vrai qu’on a toujours tendance à considérer qu’une bonne connaissance de son pool actif (ou passif d’ailleurs) de compétences est importante dans le cadre de la recherche d’un emploi, mais ce n’est pas uniquement le cas ! Savoir de quoi on est capable permet d’améliorer sa confiance en soi et de briser une certaine forme d’isolement, fréquente chez les doctorant·es. Et ça, qu’on se le dise, c’est pas du luxe. Lister ses compétences est aussi un excellent moyen pour lutter contre le sentiment d’imposture, ce sentiment qui te fait dire que tu n’es pas à ta place, qu’il y a erreur sur la marchandise et mistake on ze steak (alors qu’en réalité tu casses la baraque).

L’idée est donc de déterminer quelle est la plus-value de la réalisation d’une thèse dans l’acquisition de compétences transversales et transférables, à savoir les compétences liées à une expérience particulière mais qui peuvent dépasser ce cadre et être mobilisées dans d’autres situations professionnelles. En clair et en sous-titré, ce ne sont pas les compétences scientifiques et techniques qui, elles, sont sanctionnées par un diplôme. Tout un tas de tâches effectuées dans le cadre – ou en marge – du doctorat peuvent être déclinées en compétences. Par exemple, un passage à la radio score assez haut en termes d’accumulation de compétences : mobilisation d’un réseau, gestion du temps, vulgarisation d’un sujet, prise de parole etc.

Et à l’UCLouvain, ils ont compris l’importance de proposer des outils aux doctorant·es et docteur·es (enfin je dis « ils » mais c’est « on », enfin « nous », enfin tu vois) puisqu’une brochure spécifiquement consacrée à ces questions est en cours de réalisation. Cette brochure reprendra 6 outils d’auto-évaluation des compétences, qui ont tous été testés par des docto-cobayes pour pouvoir lister les avantages, les inconvénients et les conseils d’utilisation. On bricole encore un peu tout ça, et on en reparle tout bientôt !

Le rôle crucial des promoteurs et promotrices

Le parcours doctoral est généralement comparé à (biffez la mention inutile) : une montagne russe, un désert solitaire ou encore à une course contre la montre. Dans tous les cas et quelle que soit la métaphore choisie, les doctorant·es sont accompagné·es par un directeur et/ou une directrice de thèse, dont le rôle number uno est d’assurer un accompagnement scientifique. Et au sujet de la place que doit prendre le promoteur ou la promotrice dans le parcours des doctorant·es, il y a plusieurs écoles : pour certain·es, il est évident que leur implication doit être formelle et explicite, qu’il faut aider les jeunes docteur·es dans leur recherche d’emploi, alors que pour d’autres, leur rôle est exclusivement scientifique et le reste est uniquement sous la responsabilité des doctorant·es. What-Sup aura encore l’occasion de revenir sur ce sujet, et pour apporter quelques éléments supplémentaires d’analyse… Stay tuned !

Pourtant, on sait aussi que les promoteurs et promotrices peuvent véritablement, par leur accompagnement et encadrement, avoir un rôle à jouer dans les dynamiques liées à l’acquisition de compétences ! En encourageant les doctorant·es à participer à des formations et à s’interroger sur leur avenir, ils et elles participent au renforcement des compétences et à l’amélioration de leur insertion professionnelle. Dans le cadre du projet PhDs@Work, j’ai eu l’occasion de rencontrer pas mal de doctorant·es et cela revenait régulièrement : sans être un peu encouragé·es (gentille façon de dire « franchement poussé·s ») par un promoteur ou promotrice, la motivation était un peu moins présente (gentille façon de dire « sérieusement absente »).

Il y a dans le cadre du projet PhDs@Work, un volet précisément consacré à l’encadrement doctoral : formations, échanges de bonnes pratiques ou encore séances d’informations individuelles, l’ULB et l’ULiège sont en train de développer une expertise permettant d’améliorer les conditions liées à l’encadrement des thèses de doctorat. Une méthode a notamment été mise en place : il s’agit de l’intervision, qui est un « dispositif de rencontres entre pairs permettant d’échanger sur leur expérience et de réfléchir collectivement et en toute confidentialité à leur pratique professionnelle », notamment par l’analyse de cas concret (par exemple lié à l’encadrement difficile d’une thèse de doctorat ou à la préparation de la réunion annuelle du comité d’accompagnement) et formulent des solutions ou des conseils, dans un esprit de collaboration et de support entre pairs (source).

Pour demain l’avenir [Louane, 2015]

C’est un constat amer mais réel : seul un petit pourcentage de titulaires d’un doctorat poursuivront une carrière académique. L’augmentation du nombre de docteur·es ne s’accompagne malheureusement pas d’un renforcement du personnel académique dans les universités. Il est donc essentiel de prévoir une porte de sortie et de profiter de son parcours doctoral pour préparer son insertion socio-professionnelle. Cela passe notamment par ce qui a déjà été évoqué plus haut : une bonne connaissance de ses compétences, de ses propres envies et aspirations, mais aussi des opportunités offertes aux « profils PhD » comme on dit dans le milieu. La question « qu’est-ce que je peux faire avec mon diplôme ? » (ou mieux : « Quelles sont les qualifications acquises lors de ma thèse de doctorat ? ») devient de plus en plus prégnante pour les doctorant·es qui commencent à voir le bout du tunnel.

Dans le cadre du projet, nous avons lancé, à l’UCLouvain, les Net@Work, des événements durant lesquels des docteur·es (de toutes les unifs de la FWB! on est pas sectaires) présentent leur parcours et la plus-value de leur doctorat de celui-ci. En outre, le CIO propose donc un accompagnement personnalisé (job-coaching) mais aussi collectif (ateliers et formations). Ce sont des services qui sont généralement proposés dans les universités, mais aussi chez Objectif Recherche, et qui rencontrent un succès certain auprès des doctorant·es en fin de parcours.

Soyons clairs : l’idée n’est pas ici de transformer le diplôme doctoral en passeport pour l’emploi et les université, facultés et écoles doctorales en écoles professionnelles. Le but est de donner les moyens aux docteur·es (et aux doctorant·es ayant décidé d’arrêter leur thèse) de mieux connaître le marché de l’emploi et de les outiller pour leur insertion.

 

A la lumière de ces différents éléments, il est donc possible d’apporter une réponse désormais un peu plus objective à la question posée dans le titre de ce billet : ça bouge dans les universités ! Et même s’il y a encore du chemin à faire, des réflexions à mener sur la co-responsabilité, des rencontres à stimuler, des formations à organiser, il y a une réelle prise de conscience au sujet de l’avenir des docteur·es dans les universités francophones en Belgique.

Les universités s’intéressent-elles à l’avenir de leurs doctorant·es ?
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