Twitter, oiseau à la robe bleue, temple des avis divers, variés, tranchés, hésitants, non-documentés, mésinformés, surinformés, paradis des réactions immédiates, spontanées, regrettées ou assumées. Twitter, c’est aussi une cour de récré grandeur nature pour les universitaires, qui en font parfois un usage extensif. Pourquoi ? Comment ? Avec qui ? Et sur quelle étagère ? Comme ça tout à coup, j’avais envie de m’intéresser à la relation des nombreux·ses doctorant·es, docteur·es, enseignants·es-chercheur·es, et profs avec le réseau qui gazouille. Promis, ça prendra plus de 280 caractères.

La vérité, lecteur, lectrice, je vais te la dire toute crue : des articles traitant précisément de ce sujet, il en existe autant que de plantes décédées dans mon appartement. Pour toi ça ne veut peut-être rien dire, mais pour moi, ça veut dire beaucoup. Si tu souhaites approfondir le sujet, en bonne historienne que je suis, j’ai listé une série de liens en fin d’article, pour ton plus grand bonheur cognitif bien entendu.

Le revers de l’oiseau

Avant de lancer le blog et de mesurer l’importance de Twitter pour la diffusion de mes articles, j’étais une grande addict d’Instagram. Petit à petit, j’ai déplacé mon addiction vers Twitter, et ça ne va pas te surprendre d’apprendre que la transition a été un peu brutale. Instagram, c’est le pays du tout-est-beau, du donut vegan, de la cuisse lisse, du pied en boomerang dans la piscine ou de la montagne de cadeaux sous le sapin, suivant la saison : Instagram, c’est la victoire de l’esthétique et du paraître, qui te donne l’impression que ta propre vie est un peu naze parce qu’elle n’est pas faite exclusivement de cocktails dégustés avec délectation sur les toits de Santorin. Avec Twitter, on n’est pas exactement dans la même ambiance. Twitter, c’est un peu le temple sacré de la négativité décomplexée et totalement désinhibée. 

Et les universitaires ne font pas figure d’exception, tant en tant que victimes que bourreaux. On finit par trouver ça presque normal d’insulter quelqu’un parce qu’on estime qu’il ou elle a mal fait son boulot, à recadrer brutalement certains tweetos parce que leur méthode n’est pas « la bonne » ou encore que l’information n’a pas été vérifiée 27x avant d’être partagée. 

En outre, parfois dénoncée, la tendance qu’ont les universitaires à mettre en avant la masse de travail abattu sur Twitter est assez impressionnante. Certaines personnes ne semblent pas apprécier le côté “regardez comme je travaille bien et beaucoup, et même le dimanche, et même à minuit, et même le dimanche à minuit”. Cette tendance est généralement mal reçue parce qu’elle culpabilise ceux et celles qui préfèrent regarder la saison 7 de « Orange is The new Black » en une demi-soirée plutôt que de travailler. Le monde universitaire est de plus en plus compétitif en raison du moins en moins de postes disponibles, et l’utilisation du réseau-oiseau (on lance le #roiseau ?) permet de montrer que « moi plus » : « moi travailler plus », « moi lire plus » ou encore « moi plus mériter ce poste que toi ». Et ça, ça fait mal. 

Le monde à portée de main

Soyons maintenant honnêtes 2 minutes et admettons qu’il n’y a pas QUE du négatif sur Twitter. Comptant actuellement 139 millions d’utilisateurs monétisables (c’est-à-dire étant en contact avec la publicité), Twitter est un réseau social ouvert, où, à moins de volontairement bloquer son profil, tout le monde peut avoir accès au contenu produit par un·e utilisateur·trice. Ainsi, l’avantage du #roiseau, c’est qu’il est possible de discuter avec tout le monde, dans un environnement bien entendu virtuel mais aussi relativement informel (#rimeriche). Sans pour autant être un réseau professionnel type LinkedIn (qui devient plutôt un concours de « Qui postera l’histoire de recrutement la plus fausse inspirante ? »), Twitter peut être utilisé dans une perspective moins personnelle et un peu plus professionnelle, voire corporate.

Sans pour autant oublier d’être poli (t’es poli ou t’es pas poli ?) il est possible d’apostropher des profs, de les @, de les DM, de les RT, de le follow, ou encore de les fav. Et si tu n’as rien compris, je t’invite solennellement à prendre connaissance de ce guide “Twitter 101”. Y a pas à dire : le #roiseau permet une prise de contact assez aisée qui peut parfois aboutir sur les projets sympas. Mon cher et tendre par exemple, a pu inviter pour une journée d’étude un chercheur qu’il ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam, mais bien de Twitter. Moi, en raison de mes jeux de mots douteux sur mon sujet de thèse, j’ai été contactée pour enregistrer un podcast à Paris. Le gros avantage de Twitter est donc d’offrir la possibilité d’un contact sur base des 3 « i », chers aux chercheur·es (c’est pas facile à dire très vite « cher aux chercheurs, cher aux chercheurs »), bref donc les 3 « i » : l’international, l’interdisciplinaire et l’intersectoriel.

Twitter permet en effet de contacter facilement des personnes à l’autre bout du monde, au profil proche ou éloigné du tien, mais aussi de s’informer, de recueillir et de partager des expériences. Listés par Pauline du blog Academiac, il existe tout un tas de comptes et de hashtag à suivre pour être totalement à la page de la Twittosphère.

L’un d’entre eux est #AcademicChatter, où on va essentiellement retrouver (en anglais), des demandes de conseils où chacun va pouvoir y aller de son petit avis sur la façon dont : il faut profiter des vacances quand on est en thèse, il faut gérer les relations conflictuelles avec son DR, gérer l’après-thèse, gérer le stress de la rédaction etc. On retrouvera souvent des brochettes de réponses diversés zé variées, parfois pertinentes, parfois utiles, parfois contradictoires, parfois contre-productives, parfois salutaires. Dans tous les cas, quoi qu’on fasse des réponses, ça aide à se sentir moins seul·e dans ses questionnements, ses interrogations, ses doutes sur les aspects difficiles et enthousiasmants du parcours doctoral.

Le roiseau permet donc de communiquer avec tout le monde (et même parfois avec n’importe qui), que ce soit pour la plaisir ou pour récolter des infos. Par exemple, quand je me suis intéressée aux titres de thèse, j’ai gentiment demandé aux twittos de me lâcher en comm’ leur titre de thèse. C’était vachement instructif et drôlement utile pour la rédaction de ce billet. Certain·es utilisent aussi le roiseau pour demander de l’aide dans le cadre de leurs recherches : « dis, aurais-tu tel article en PDF ? Peux-tu m’aider pour déchiffre ce mot indéchiffrable ? Quels outils utilisez-vous pour faire des jolis graphiques ? Vous êtes plutôt Microsoft ou LaTex ? Peux-tu live-tweeter la conférence de Bidule à laquelle je ne sais pas assister ?», etcétéri, etcétéra, tu vois le topo.

Les avantages de l’utilisation du Twitter, vecteur d’échanges variés, sont donc nombreux, comme le résume parfaitement Sébastien Poublanc :

« La lecture d’un article, d’un billet de blog, d’une vidéo etc. est l’objet d’un partage sur le réseau ; une recherche sur un sujet précis amène à interroger le moteur de recherche ; un séminaire, un colloque voit ses participants interroger la communauté des twittos pour savoir qui s’y rend ; enfin, la conférence proprement dite fait l’objet d’un « off » parallèle à chaque communication : commentaires, échanges d’URL et de références participent autant à la sociabilité de la rencontre que les discussions IRL – in the real lifeTwitter permet en plus d’intégrer au groupe participant à l’évènement les « tweetos » absents, augmentant d’autant la taille du réseau de sociabilité potentiel »

Les trucs chelous

Donc oui, Twitter, pour plein d’aspects, c’est sympa, parfois, c’est relou, mais parfois aussi, c’est chelou. Sur le roiseau bleu adossé à la colline, il y a non seulement des comptes de chats qui parlent en chat, mais il y a aussi une spécificité qui m’a toujours laissée perplexe : les comptes de thèse. Ce sont des thèses qui ont des comptes Twitter et qui sont généralement (mais pas toujours) doublées par le compte de leur auteur ou autrice. On retrouve ainsi des comptes qui se présentent comme ceci « : « Je suis la thèse de Machin Brol sur Truc Bidule et je suis rédigée en LaTex/Word 95/à la machine à écrire ». Comme on dit chez moi : j’ai rien contre, c’est juste que je comprends pas. Et quand je ne comprends pas, j’essaye de comprendre. Et pour comprendre, hé ben, j’ai demandé. Sur Twitter évidemment. J’y apprends que l’un des comptes pionniers, celui de la jeune docteure et philosophe Juliette Ferry, est précisément né « en blague » parce qu’elle trouvait justement les comptes de chats absurdes.

Ces comptes connaissent néanmoins un certain succès, voire un succès certain et ce, me semble-t-il mais j’ai pas fait de thèse sur le sujet (ha!), dans tous les domaines (Histoire, philo, astronomie, etc.). Mais pourquoi diable une telle idée, te questionnes-tu? Les comptes de thèse sont envisagés comme des soutiens pour les doctorant·es, comme un bon moyen de sociabiliser et d’attirer l’attention sur le travail effectué. Dissocier le travail de l’auteur·e permet aussi de prendre du recul et de gentiment se moquer, de l’un comme de l’autre. On retrouve donc des tweets qui dénoncent, avec second degré, le fait que l’auteur·e prenne des vacances, ou qu’il ou elle ne rédige pas assez, ou au contraire qu’il ou elle a bien travaillé. 

Décompresser, dédramatiser et se lâcher un peu par rapport au travail éreintant que représente la thèse sont également mentionnés parmi les raisons pour créer un tel compte. Après tout, pourquoi pas, n’est-ce pas.

Ainsi, même si c’est controversé, Twitter peut être considéré comme un canal supplémentaire permettant de communiquer sa recherche : en effet, certains observateurs notent une forme de snobisme dans le refus d’utiliser Twitter et soulèvent par la même occasion un point intéressant : les grosses lacunes en termes de communication dans les centres de recherche. Si l’auteur de l’article hyperlinké ci-dessus pointe l’exemple de la France, je pense que la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est pas en reste. Le roiseau permet aussi – voire surtout – de communiquer avec ses pairs – et d’autres moins pairs – pour intensifier et diversifier son réseau. Plutôt cool sur papier, mais il ne faut pas être trop effrayé·e par certains commentaires et certaines interprétations : Twitter est un soufflé virtuel, tout monte très vite et prend des proportions parfois ingérables, mais il suffit d’attendre un peu pour que ça se tasse un peu.

 

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Doctorant·es, en bonus, voici mes 5 tips pour une utilisation raisonnée et raisonnable de Twitter :

  • Créez des listes avec les personnes qui travaillent sur vos thématiques : cela vous permettra de suivre leurs tweets en priorité et d’éviter de (trop) perdre de temps en finissant par 4h de procrastination à lire les commentaires sous une vidéo Malaise TV qui date du 15 mars 2016
  • Faites de Twitter un outil de vulgarisation scientifique : exercez-vous à choisir un vocabulaire adapté au format du roiseau, proposez des threads sur l’une de vos trouvailles scientifiques (si vous faites un thread tous les jours, ouvrez plutôt un blog)
  • Proposez de live-tweeter une journée d’étude (pas toutes !) organisée par votre centre de recherche : il s’agit d’un excellent exercice de concentration, et les absent·es vous remercieront
  • Faites la pub de vos activités ! Vous participez à un colloque à Rome (ou à Clermont-Ferrand, c’est bien aussi) ? Vous avez obtenu une bourse prestigieuse (ou reçu 50 balles de vos parents pour assister au colloque de vos rêves, c’est bien aussi) ? Vous avez publié dans Nature (ou aux Editions Universitai… AH NON c’est pas bien ça, c’est une arnaque) ? Clamez-le haut et fort !
  • Soyez sympas ! Tournez douze fois votre doigt autour de votre clavier avant d’écrire des insanités. Ensemble, redonnons ses lettres de noblesse à Twitter ! (#slogandecampagne #Sophieprésidente #moiprésidente)

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Bonus bis : savais-tu que What-Sup avait une page Facebook pour te tenir informé·e en TEMPS REEL (non) de l’actualité du sup’ ?

 

 

 

Envie d’aller plus loin ? Voici quelques conseils de lecture :

100 Twitter tips for academics [Mais en vrai il y en a 99 #mensonge]

Twitter et les chercheurs : l’exception française ?

Tools and Tips to live-tweet a conference

Using Twitter in university : Twitter 101 (ou “Twitter pour les nuls”)

Mettre en place un flux Twitter lors d’une conférence (attention article très sérieux)

Doctorants : être ou ne pas être sur Twitter (article de 2013 listant une série d’articles – datant forcément d’avant 2013- concernant l’usage du roiseau dans le monde académique) 

Université, recherche et doctorat sur Twitter : bilan et perspectives
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