Il y a peu, j’écrivais un article sur le choix des titres, sur ce qu’ils doivent refléter, sur ce qu’ils disent, ce qu’ils ne disent pas, tout ça, tout ça. Pour le titre de l’article du jour, j’ai un peu galéré je dois bien avouer. Comment faire comprendre que je vais faire un point à ma sauce (Dallas) sur le paysage de l’enseignement supérieur en Belgique (francophone) sans exhaustivité aucune et loin de la moindre optique scientifique ? Quel titre pour bien montrer que je ne vais pas répondre à toutes les interrogations sur le sujet mais que ça permettra au moins d’avoir une vision globale de la situation, ou d’avoir envie d’en découvrir plus? J’ai opté pour le clair (#tmtc), le net et le précis : enseignement supérieur et plat pays. Et les frites, c’est en supplément. Et la sauce, sur les boulettes.
La première chose à savoir, c’est que de tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves. Et n’essaye pas de m’enfumer avec des analyses pseudo-historiques du style « non mais en fait ce que César a voulu dire c’est que… » y a pas de tcheutcheutcheu, c’est comme ça, les Belges sont les plus braves, point, punt aan de lijn comme on dit par ici. Ils sont sans doute braves, mais par contre ils sont aussi bien compliqués. On parle quand même d’un pays qui compte plus d’une cinquantaine de ministres (quand on a des gouvernements fonctionnels) et qui se vante d’un point culminant à 694m. Bon.
Et l’organisation de l’enseignement supérieur ne fait pas exception, et comme je sais que vous êtes beaucoup à venir de l’autre côté des frontières du plat pays (c’est toi qu’es plat fieu), je vous ai concocté un petit « enseignement supérieur belge pour les Nuls », vous m’en direz des nouvelles.
Histoire exhaustive du système universitaire belge (non)
Je vais être sympa et t’épargner les siècles d’Histoire belge pour en arriver directement à notre année d’indépendance : 1830. Allons enfants de la patriiieuh… ah non c’est pas ça, pardon. Alors, en 1830, en Belgique, il y a 3 universités d’État : Liège, Gand et Louvain. Cette dernière sera remplacée par l’Université catholique de Malines (1834), qui deviendra l’Université catholique de Louvain en 1835. En réaction, les francs-maçons bruxellois fondent l’Université libre de Bruxelles (ULB), affranchie de tout enseignement religieux et dépendant de l’état. En gros, au milieu du 19ème siècle en Belgique, on a 2 unifs d’état (Liège et Gand), une unif catho (Louvain) et une unif libre (l’ULB). Autant te dire qu’on n’est pas au bout de nos peines parce que les querelles linguistiques et politico-confessionnelles arrivent…
En effet, à Gand et à Liège, les cours sont donnés en français, qui est la langue de l’aristocratie. A Gand, ça passe moyen, et l’université devient néerlandophone en 1930. À Louvain, suite aux manifestations étudiantes de 1968 et leurs charmants Walen Buiten (« Les wallons dehors »), une nouvelle université (et une très jolie ville) est créé dans les années 1970 – Louvain-la-Neuve, et devient le pendant francophone (Université catholique de Louvain) de la KULeuven, la Katholieke Universiteit Leuven.
En plus de ces monstres sacrés du paysage historique de l’enseignement supérieur en Belgique, d’autres universités et hautes écoles voient le jour à Mons, Namur, Bruxelles, Anvers, Hasselt, et j’en passe. Et comme l’Histoire belge est aussi franchement marquée par la communautarisation, il faut souligner que l’enseignement (ici non-obligatoire) est une compétence communautaire, c’est-à-dire gérée par les communautés basées sur le régime linguistique. Et comme les germanophones se font toujours avoir, l’enseignement supérieur belge est divisé comme suit : un enseignement supérieur francophone géré par la Fédération Wallonie-Bruxelles (anciennement – mais toujours constitutionnellement – « Communauté française ») et un enseignement supérieur néerlandophone géré par la communauté-région flamande, puisque les deux entités sont fusionnées chez nos amis du Nord.
Je t’avais dit qu’on était compliqués. Et encore, t’as pas tout vu. Du coup, si tu le permets, je vais me permettre de ne désormais plus causer que des francophones, parce que bon voilà, mon blog, mon choix.
Les institutions d’enseignement supérieur en FWB
La Fédération Wallonie-Bruxelles, aussi appelée « effe-ouébé » (FWB), est donc l’entité compétente pour – entre autres – l’organisation de l’enseignement supérieur en Belgique francophone. On ne compte pas moins de 6 universités en Belgique francophone : ULB, UCLouvain, Université Saint-Louis – Bruxelles, ULiège, UMons et UNamur, et, suite à de nombreuses fusions, 19 hautes écoles que je ne liste pas, parce que bon, 19 (mais si tu cliques, elles sont listées). C’est en tout cas le cas à l’heure où ces lignes sont rédigées (#journalismed’investigation) parce qu’il risque d’y avoir « bientôt » du changement : des négociations sont en effet en cours pour une fusion entre l’UCLouvain et l’USL-B, et entre l’ULB et l’IHECS. Sur fond de tensions tantôt politiques, tantôt personnelles, tantôt les deux, ces projets de fusion ne manquent en tout cas pas de susciter le débat : ancrage de piliers idéologiques, domination de l’espace, perte des spécifiés institutionnelles, … il y a de quoi créer la discussion !
En plus des universités et des hautes écoles, font également partie du paysage du sup’, les Écoles supérieures des Arts (ESA), les écoles de promotion sociale et l’École royale Militaire, qui, me glisse-t-on dans l’oreillette, relève du Fédéral (et peut-être d’autres subtilités qui échappent à ma fine mais perfectible connaissance du domaine).
En Belgique, et contrairement à la France, on a l’idée que les universités seraient plus prestigieuses, qu’elles formeraient les grands esprits, et que, ipso facto, elles seraient réservées aux meilleurs éléments que l’école peut produire. De leur côté, les hautes écoles attireraient donc de moins bons élèves, auraient une visée majoritairement pratique. Alors non, les universitaires ne sont pas forcément plus malins que les étudiant.es en haute école : déconstruire certains clichés sur ces modèles d’enseignement permettrait sans doute de mieux orienter les élèves en fin de parcours secondaire. Toujours est-il que l’enseignement en haute école propose une pratique plus directe et plus intense, quand l’Université met l’accent sur un accompagnement davantage transversal et pointu.
Le cadre réglementaire
Depuis 2014, l’enseignement supérieur est régi en FWB par le « Décret définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études », autrement dit le « décret Paysage », ou autrement dit encore « Paysage », et sans doute autrement appelé par ses détracteurs mais je ne prendrai pas le risque de dire ici des grossièretés. Le décret Paysage entend – entre plein d’autres choses – réorganiser les études en laissant de côté le principe de l’année académique et en créant des blocs d’unités d’enseignement à valider pour pouvoir accéder aux blocs supérieurs. Quand moi, il y a 13 ans (#oldbutgold) je disais : « j’ai réussi ma BA1, je passe en BA2 », les étudiant.es disent aujourd’hui : « j’ai validé 47 crédits, je peux prendre des cours en Bloc 2, avec 13 crédits de casserole derrière moi ». Pour utiliser un vocabulaire de concours de cuisine, « on part sur » un programme de cours à la carte, malheureusement assez peu croustillant pour un tas de personnes.
En effet, le décret Paysage ne fait pas que des heureux, loin de loin de loin de là. Fortement décrié par les professionnel.les du secteur présent.es sur le terrain, le décret est accusé d’affaiblir la formation des étudiants, de fausser la notion de réussite, de compliquer leur parcours, et d’alourdir la charge de travail des enseignants et des services administratif. Rien que ça. Un site internet et une page Facebook a d’ailleurs récemment été créé pour dénoncer les effets pervers du décret : « le Livre noir de l’enseignement supérieur en FWB » (et la page Facebook par ici).
Sinon, j’ai pas mal de passions dans la vie : le praliné, les rires des enfants (non), faire mourir mes plantes vertes, Shawn Mendes, mais surtout, surtout, ma grande passion c’est live-tweeter les évènements organisés par l’ARES, l’Académie de recherche et d’Enseignement Supérieur. Cette institution, tout droitement née du décret Paysage, a pour mission de coordonner les activités des établissements d’enseignement supérieur en FWB, de stimuler les collaborations entre eux mais aussi de remettre des avis sur des dossiers sensibles, type dossiers de fusion évoqués plus haut (et encore plus si affinités). L’ARES a d’ailleurs récemment soufflé ses 5 bougies et devine quoi : j’y étais ! Cette petite sauterie des plus alcoolisées agréables a été l’occasion de rappeler les missions de l’ARES, de souligner le caractère indispensable d’une telle organisation, et de définir les challenges à venir. Bref c’était sympa, n’hésitez pas à recommencer tous les ans #seriously #jeviendrai #etjetweeterai
En bref
Il y a bien entendu beaucoup (beaucoup) à dire et à redire sur le système et l’organisation de l’enseignement supérieur en Belgique et si le cœur m’en dit (et le cœur m’en dira, c’est sûr), et que le cœur t’en dit, je poursuivrai ultérieurement la réflexion en proposant des focus (quoi, on dit des foci ?) sur certains acteurs (hautes écoles, ESA, etc.). J’espère toutefois que ça aura quelque peu clarifié tes pendules – si c’était nécessaire, et pour ne pas te laisser sur ta faim, je te propose en guise de dessert un petit lexique du vocabulaire belge du sup’ en FWB :
- Unif : Eh ouais, chez nous les universités on les raccourcit en « unifs », y a pas d’ « univ » ou de « je vais à la fac’ » qui tiennent, nous on va à l’unif.
- Blocus : le blocus, c’est la période où les étudiants bloquent, c’est à dire étudient pour leurs examens, avec plus ou moins d’entrain. La plupart des unifs proposent une ou deux semaines de blocus avant les sessions d’examens
- Guindailler : Terme généralement incompatible avec le précédent qui consiste à organiser une boum avec tes camarades et à boire quelques beuvrages colorés de jaune et de mousse, qui terminent généralement dans tes cheveux
- TD : et non, ce ne sont pas les travaux dirigés ! Chez nous, en tout cas à Bruxelles, le plus souvent, les TD sont des TP (travaux pratiques). Faut dire que ça serait con de confondre puisque les TD sont les très mal nommés “Thés dansants” où on fait bien entendu tout sauf boire du thé mais où ça danse sec et sévère avec de la mousse dans les cheveux et des risques de syphilis au derrière quand tu pars faire pipi (voir “Guindailler”)
- Doctorant.e : Alors non ce n’est pas un belgicisme mais c’est l’occasion de rappeler que nous nous opposons fermement à l’usage du terme « thésard », fréquent de l’autre côté du Quiévrain. Et par « nous », je veux dire « moi » (et toi ?)
- Kot : en plus d’être le cri du coq wallon, le kot désigne un endroit généralement insalubre (OH ça va on peut rire) où vivent les étudiant.es durant leurs études.
Démonstration : « Avant d’être doctorante, Sophie guindaillait au kot pendant son blocus et arrivait moyennement fraiche à l’unif ». (Toute ressemblance avec un personnage réel est pure fantaisie)
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