Parfois, j’ai de bonnes idées. Et dernièrement, la bonne idée que j’ai eue, c’est de prendre note à l’ordinateur lors de mes rendez-vous avec certains services que j’ai rencontrés pour le blog. Old school, parfois j’aime bien prendre note à la main, dans l’un des mes 58 carnets, en essayant d’activer ma mémoire en inscrivant mots-clés et phrases percutantes. Là, j’ai donc été bien inspirée en prenant mon ordinateur puisque je suis ressortie d’un entretien avec plusieurs pages tapuscrites. Souviens-toi, il y a peu, je présentais le Service d’Appui à la Recherche de l’Université Saint-Louis – Bruxelles. J’ai eu la chance, à cette occasion, de pouvoir discuter avec le Vice-recteur à la Recherche de cette même université, Hugues Dumont. Et je suis ressortie de cette discussion avec tellement à dire que j’ai décidé d’en faire carrément un billet, histoire de mieux comprendre à quoi ça sert finalement, un Vice-recteur à la Recherche.

 

Hugues Dumont, professeur ordinaire en droit constitutionnel et droit institutionnel européen à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, a intégré l’équipe rectorale en 2016-2017 en qualité de vice-recteur à la Recherche. C’est-à-dire qu’il est la caput SARi, latinisme malheureux pour dire qu’il est le responsable suprême du Service d’Appui à la Recherche, mais bien plus que ça encore. Mais dans le fond, c’est quoi un vice-recteur à la recherche ? Qui le contacte ? Quand, comment, pourquoi et sur quelle étagère ?

La réponse à toutes ces questions (sauf peut-être la dernière) (quoi que) est simple : le vice-recteur a pour rôle principal le soutien et l’encouragement de la recherche dans son institution. Encourager la recherche, cela signifie apporter un soutien sans faille aux doctorant.es, soutenir la création de nouveaux centres de recherche, encourager la mobilité des chercheuses et chercheurs, ou encore valoriser la recherche produite dans l’université pour la rendre plus visible

Cela vaut aussi dire qu’il est la personne à contacter quand il faut de l’argent… Cela concerne notamment les centres de recherche qui bénéficient de subsides alloués sur base d’un rapport destiné au Conseil de la Recherche, présidé par le vice-recteur, leur permettant ainsi d’avoir les moyens humains et financiers pour l’appui administratif et la poursuite des tâches et activités scientifiques au sein de leurs centres. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faut toujours aller frapper à sa porte : il y a d’autres cassettes disponibles pour financer des évènements par exemple, surtout s’il y a des dépenses exceptionnelles (par exemple : le FNRS).

En bref, le vice-recteur est sollicité chaque fois qu’un projet de recherche est introduit, avec un traitement en amont par le Service d’appui à la recherche, et une validation en aval du recteur avec entre les deux des évaluations les plus rigoureuses possibles. Cela suppose une bonne assurance que le SAR fonctionne comme sur des roulettes. Cela signifie aussi qu’il est nécessaire de gérer des frustrations et des mécontentements, ce qui amène parfois à devoir (re)mettre sur la table les parts des uns et des autres pour assurer un juste équilibre. De la même façon, le rôle du vice-recteur est aussi, quand il faut, d’expliquer une décision du Conseil de la recherche qui ne va pas de soi, comme un refus de financement par exemple. Le côté plus sympa bien entendu, c’est quand une décision est positive : alors là, le champagne les félicitations sont de rigueur ! Ci-dessous, rare vidéo d’une annonce des résultats de sélection :

En tant que membre de l’équipe rectorale, Hugues Dumont est associé de façon collégiale à toutes les décisions, et pas seulement en ce qui concerne les dossiers « recherche », mais aussi concernant le logement ou le service à la société par exemple. Et pour cause, souvent, les vices-recteurs gèrent les histoires laissées de côté (ou carrément déléguées) par les recteurs. Le rôle d’un vice-recteur dépasse néanmoins – et on s’en doute ! – les frontières de son institution. Entre réunions au FNRS, au Conseil de la politique scientifique en région bruxelloise, le vice-recteur n’a pas exactement le temps de s’ennuyer. Il existe en outre un conseil des vice-recteurs à la recherche où ils et elle (on compte 5 hommes pour 1 femme) se réunissent régulièrement pour faire le point sur leur matière, essentielle à la bonne santé de leurs institutions respectives. En tant que vice-recteur d’une université de sciences humaines, Hugues Dumont n’est donc pas directement concerné par les questions de recherche appliquée , de dépôt de brevets ou encore de gestion d’animaleries, parfois abordées lors de ces réunions. Alors il attend que ça passe et qu’on en vienne à des dossiers qui le touchent davantage.

Néanmoins, Hugues Dumont, le vice-recteur bilingue, a de nombreux arcs à ses flèches, et vice-versa, puisqu’en tant que constitutionnaliste, il est impliqué dans une série de dossiers relatifs à une amélioration possible dans l’interprétation des règles de répartition de compétences en matière de recherche scientifique (Fédération Wallonie-Bruxelles, Région bruxelloise et Région wallonne). Aaaah la Belgique, ses frites, ses moules, sa digue bétonnée, mais aussi ses régions, ses communautés, ses entités fédérées, fédérales et tout le tralala-tsouin-tsouin. Ca en fait du boulot. En effet, la Région wallonne considère qu’elle n’est compétente que pour la recherche appliquée. Ainsi, quand les collègues souhaitent qu’une recherche potentiellement appliquée, mais fondamentale en amont, soit financée, ils ont du mal à convaincre la région. Bonne ambi’. Sur l’initiative du vice-recteur liégeois, il a donc été décidé de mettre à plat toute une série de choses sur ces questions, et cela passe notamment par l’organisation d’auditions pour tenter de faire le point sur l’état de la recherche scientifique, de l’organisation de la recherche, du financement et des répartition des rôles, le tout en Wallonie, en FWB, à Bruxelles, et au niveau fédéral. Selon Hugues Dumont, en Belgique, on souffre d’un mauvais découpage des compétences : chacun se renvoie la balle alors que la FWB n’a pas les moyens de financer la recherche.

Ainsi, à part gérer la cassette de la recherche, le vice-recteur est évidemment au cœur des questions de politique de la recherche. Et si tu te demandes quand est-ce qu’un vice-recteur a le temps de travailler sur ses propres recherches, c’est simple : durant la nuit, les week-end, les vacances et entre deux réunions. Et c’est pas moi qui le dis. Dans le cas d’Hugues Dumont, la charge de vice-recteur n’a été acceptée que s’il y avait la possibilité de continuer la recherche. Du coup, il a trouvé la parade et met le paquet en conclusions de colloques pour se maintenir à jour et ne pas se faire oublier par la féroce communauté de chercheurs et chercheuses. Technique à retenir.

Les questions de politique de la recherche et d’axes prioritaires de recherche posent aussi inévitablement la problématique de l’articulation et la répartition des efforts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Certains centres ont en effet tendance à réaliser une recherche exclusivement appliquée. Or, il y a aussi une demande de tenter de remonter vers de la recherche fondamentale afin de publier les résultats généralisables de la recherche. Il apparaît en effet essentiel de revenir aux fondamentaux et à l’utilité sociétale sociale de la recherche.

Enfin, il était difficile de passer sous silence une des activités principales de l’équipe rectorale en ce moment à Saint-Louis : la gestion de la fusion avec l’UCLouvain, dans les pipelines depuis maintenant quelques années. Nous sommes maintenant dans la phase de pré-fusion : c’est-à-dire qu’un comité de pilotage a décidé de mettre sur pied une série de coopération renforcées sans attendre que la fusion soit actée. Concrètement, cela signifie que par exemple, Hugues Dumont assiste aux conseils de la recherche de l’UCLouvain, que les règlements doctoraux et le calendrier des appels vont être harmonisés, et les projets communs, encouragés.
Une affaire à suivre donc (et believe me, je la suis cette affaire-là) !

BONUS : avant de partir, j’ai eu envie de poser une dernière, si petite, si minuscule question à Hugues Dumont : « l’Université au 21ème siècle, qu’est-ce-que-quoi ? » (bon j’ai pas formulé comme ça évidemment, j’ai fait un effort). Voici donc la vision du vice-recteur à la recherche de l’USL-B sur le rôle de l’Université aujourd’hui :

Selon lui, il est indispensable de jouer le jeu de l’européanisation et de la mondialisation. On ne peut plus prétendre faire de la recherche en SHS sans s’insérer dans des réseaux mondiaux, ce qui est en outre clairement facilité grâce à internet et aux possibilités de séjours de recherche. C’est une dimension incontournable mais qui va de pair avec une concurrence exacerbée qui oblige notamment à publier dans des revues à haut index, par exemple. De plus en plus, une publication qui n’a pas bénéficié d’un reviewing international n’a plus beaucoup de valeur. Le risque est alors de tomber dans une hyper-spécialisation au détriment de la curiosité intellectuelle, et cela met à mal la spécificité universitaire. Et en même temps, l’Université doit rester enracinée dans un terreau régional, local, national, parce qu’elle a une responsabilité dans son environnement immédiat qu’il faut assumer.

L’autre élément central est l’interdisciplinarité, véritable richesse à l’Université. Cela a d’autant plus de sens à l’USL-B : petite université peuplée exclusivement de spécialistes des sciences humaines et sociales, qui peuvent donc se voir facilement. Hugues Dumont évoque alors la fusion en évoquant toutefois le risque de tourner en vase clos : « il faut pouvoir ouvrir fenêtres et portes, et ouvrir le viviers ».

Ainsi : « l’université du futur est celle qui est capable d’articuler de global au local, la recherche fondamentale à la recherche appliquée ».

Merci encore au Service d’Appui à la Recherche de l’Université Saint-Louis – Bruxelles, et à Hugues Dumont pour leur accueil ! I’ll be back ! 

A quoi ça sert un Vice-recteur à la Recherche ?
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