Je commence à écrire cet article en n’ayant aucune, mais alors AUCUNE, idée de la façon dont il va se terminer, ni même d’ailleurs s’il va se terminer, ni même très franchement de quoi il va causer. Bon, je sais pas si tu as remarqué, mais y a comme du changement dans l’air depuis quelques semaines. Moi j’ai l’impression de vivre une sorte de dimanche sans voiture à rallonge, les familles font des balades à vélo, marchent sur la rue en mode YOLO (littéralement pour le coup), on voit passer plein de blagues à base de jeux de mots level bac+12 (#con #finement #lol #mdr), on lit les journaux de confinement d’autrices mélancoliques, suivis de parodies de ces mêmes journaux, on lit tout et son contraire sur le virus, la contagion, les masques, pas les masques, la grippe, pas la grippe, sur les travers des Coronapéros en ligne, on lit aussi des cartes blanches de gens qui se plaignent et qui râlent sans jamais proposer de solutions à rien, bref quelle belle époque on vit n’est-ce pas. Du coup, ça m’a donné envie d’écrire un article sur le confinement. Je te préviens, ça n’aura aucun sens.

Cher journal

Il y a quelques jours, le 26 mars à 17h30 tapantes très précisément (heure d’hiver, GMT +1, TVA 21%), devait avoir lieu la sélection UCLouvain du concours MT180. Au début du mois (de mars toujours), je recevais quelques mails inquiets de collègues se demandant s’il fallait annuler ou reporter les sélections locales et nationales du concours. Je me souviens très bien de m’être demandé si c’était pas un peu excessif tout de même, on ne pouvait pas savoir comment la situation allait évoluer, attendons donc de voir avant d’annuler les événements à tour de bras. Et en fait, eh bien, on ne pouvait pas savoir comment la situation allait évoluer, et c’est exactement pour ça qu’il fallait annuler ou reporter nos événements, réunions, formations à tour de bras, à tire-larigot et à l’emporte-pièce.

Je ne compte plus les mails envoyés et reçus qui commençaient pas « En raison de l’actualité sanitaire, nous devons malheureusement annuler / reporter / déplacer notre réunion / concours / événement à une date encore inconnue ». Certains services demandent même de bloquer dès maintenant les dates des événements reportés histoire de ne pas se retrouver avec un automne complètement embouteillé et surbooké. J’vais pas te mentir, j’ai pas hâte.

Sinon quand j’ai commencé ce paragraphe, le message que je voulais faire passer et l’angle d’attaque de ce billet étaient très clairs dans mon esprit, mais je pense que j’ai instantanément perdu le fil de ma pensée. Heureusement comme j’ai prévenu que le billet n’aurait ni queue ni tête, ça me dédouane complètement et je laisse cette partie en l’état. Tu es donc libre d’en tirer l’enseignement de ton choix (moi je partirais sur un « La vie, c’est comme une boite de chocolat » mais tu es libre d’en faire ce que tu veux).

Work must go on

Comme tu ne le sais peut-être pas, je travaille dans une université, et plus précisément à l’Administration de la Recherche d’une université que je ne citerai pas puisque je l’ai déjà citée ci-dessus (#notasecret). Et j’avais envie de revenir dans ce billet des plus improvisés sur le travail réalisé en « off » dans les universités. Contrairement à des âneries que j’ai pu lire récemment, les universités ne sont pas fermées, et ce n’est pas parce que certains cours sont (ou plutôt, étaient) suspendus ou organisés en distanciel que la vie des universités s’est arrêtée d’un coup sec. J’ai lu récemment (aujourd’hui en fait) dans une carte blanche des plus bienveillantes (non) qui disait en gros que la continuité pédagogique dans les universités était une catastrophe, et que « ce sont les étudiants qui font tourner l’université, pas les autorités diverses » (sic) (j’avais pas trop envie de mettre le lien de l’article mais je le mets quand même parce que j’ai une conscience professionnelle qui m’oblige à citer mes sources, mais franchement, bon, voilà). Pour la reconnaissance du travail effectué par l’ensemble des membres du personnel, des appariteurs au recteur, en passant par les secrétaires et les chercheur·es, on repassera.

Même si j’entends le désarroi des étudiant·es qui se retrouvent confronté·es à une situation complètement inédite, et que je ne sais pas du tout comment j’aurais réagi si j’avais été étudiante aujourd’hui, je pense qu’il faut raison garder et son calme maintenir. Les enseignant·es ont dû s’adapter à une vitesse sans précédent, certes peut-être pas toujours de façon idéale, mais n’oublions pas que, à l’heure où ces lignes sont sous presse, ça ne fait que deux semaines que le confinement a été décrété et que les cours ont lieu en ligne. Deux semaines, c’est rien, mais alors rien du tout pour s’adapter à des outils virtuels inconnus, pour trouver un angle flatteur à la caméra (gagnons du temps ici : cela n’existe pas), pour apprendre à flouter son arrière-plan, pour donner cours assis (j’en aurais été tout bonnement incapable) ou encore pour apprendre à gérer plusieurs supports en même temps et les enfants qui ont faim. Mais c’est pas de ça dont je voulais parler à la base, je me suis laissée aller, pardonnez-moi.

J’ai vu passer pas mal (ok j’en ai vu 1) de tweets ou de commentaires sur les rézosociaux qui faisaient référence à la fermeture des universités. Quand j’ai vu ça, j’étais un peu là « whaaaaat », première nouvelle, je savais pas qu’on faisait partie de l’horeca, je veux bien que les universités nourrissent les esprits et que les étudiant·es s’abreuvent de connaissances mais quand même. Les universités ne sont pas fermées, les locaux des universités sont inaccessibles pour le moment, sauf urgences, impératifs et subjonctifs. On parle beaucoup des conséquences des mesures sanitaires sur le parcours étudiant, et c’est bien normal. Et cela signifie aussi qu’il y a tout un tas de services pédagogiques, dans les administrations centrales et dans les facultés qui triment dans l’ombre des palmiers pour assurer la sacro-sainte continuité pédagogique. La crise actuelle a eu comme effet de visibiliser un peu ces services, comme le LLL à l’UCLouvain par exemple, les services d’aides à la réussite à l’ULB ou à l’USL-B (ne vous inquiétez pas, dans un souci d’équité, d’autres universités seront citées ci-dessous). Ça bouge donc du côté pédagogique dans les universités, bien chaussées et bien accompagnées (je sais ça n’a aucun sens mais j’avais en tête la maxime en lien avec les cordonniers mal chaussés et je me disais que si l’université était un cordonnier elle serait bien chaussée).

L’université est lieu d’enseignement mais aussi lieu de recherche(s). Les universités sont d’ailleurs à la une de l’actualité quand elles développent des systèmes permettant de mieux connaître, de lutter et de prévenir la propagation du virus : l’UNamur a mis au point une méthode de diagnostic plus rapide du Covid19, et l’UMons a avancé sur la connaissance des symptômes du virus. L’actualité montre que la recherche est essentielle, cruciale, vitale et qu’il faut y consacrer des moyens. Face à l’urgence, le F.R.S.-FNRS vient d’ailleurs de lancer un appel visant à financer des projets portant sur le Covid19 ! Tout cela est très encourageant et j’espère de tout mon petit cœur de médiéviste que cela ne va pas se faire au détriment de la recherche fondamentale en sciences humaines, tu sais, celle qui ne sauve les vies de personne.

Et au sein des universités, il existe de très nombreux services qui veillent à ce que les chercheurs et chercheuses réalisent leurs recherches dans les meilleures conditions qu’il soit : administrations de la recherche, des ressources humaines, des relations internationales, mais aussi administrations et services d’appui des centres de recherche, logisticien·nes de recherches et tutti chianti. Et ces services sont loin de s’arrêter parce que les locaux des universités sont fermés : ça bosse sec et sévère en arrière-plan, sans doute un peu plus au ralenti pour certaines choses (les signatures par exemple), certainement avec un rythme adapté, mais ça trime et ça trame comme tartine et boterham. L’énergie est essentiellement dirigée vers la gestion de la crise face aux projets en cours des chercheur·es, leur engagement, leurs projets de mobilité, les appels, les deadlines, les soutenances, etc.

Par ailleurs, la recherche s’adapte : on ne compte plus les éditeurs qui proposent leurs ouvrages en open access, les services d’archives qui proposent un accès plus large aux fonds numérisés, des musées qui proposent des visites virtuelles (ce qui fait du bien à la recherche et à la culture), d’institutions qui publient leurs données scientifiques, etc. Les réseaux sociaux regorgent aussi d’inventivité pour limiter les dégâts liés au confinement (on pense notamment à la #BibliSolidaire sur Twitter). Le confinement s’avère aussi être l’occasion de prendre le temps de la réflexion sur ses propres pratiques : un excellent jeune chercheur très prometteur d’ailleurs si tu veux mon avis, mais ce n’est que mon humble avis je ne sais pas qui est cette personne (non c’est faux c’est mon #instagramhusband), a commencé il y a quelques jour une sorte de « academic diary » où il regroupe ses réflexions sur la recherche en confinement. Tu peux cliquer c’est gratuit.

Et du côté du doctorat (qui est quand même le core business de ce blog avant d’être un journal intime sans queue ni tête), ça s’active aussi. C’est une période clairement spéciale parce que ni la tête, ni le corps ni l’esprit ne sont à la concentration, l’ambiance est anxiogène, la fermeture des bureaux pèse, cette espèce de boule jaune dans le ciel nous nargue, bref rien ne va. On peut néanmoins compter sur l’esprit solidaire de la communauté des doctorant·es qui partagent sans sourciller leurs trucs et astuces pour survivre au confinement. Le Réseau des doctorants de l’ULiège a par exemple publié cette semaine un « Guide de survie pour doctorant·e durant le confinement ». De l’autre côté de la frontière chez nos cousaings du sude de l’Outre-Quiévraing, le Grand Labo a aussi lancé les hostilités pour make PhD great again durant la quarantaine et a proposé un live au sujet de la thèse (même que j’y étais) (brièvement, mais j’y étais). À l’heure où l’encre de cet article sèche, un prochain live est en projet et sera plus précisément consacré à la rédaction de la thèse durant le confinement (#quaranthèse).

Imothep

Mais avec tout ça, comment ça va, toi ? Imothep ? Parce qu’on est là, on cause, on cause, mais moi je voulais juste faire un petit billet pour surfer sur la vague des publications en lien avec le confinement, rien de plus. Mais puisque tu le demandes (non), moi, ça va. J’ai l’impression de revivre mes années de doctorat où mon cher-et-tendre et moi rédigions nos thèses, buvions trop de café, espacions trop nos shampooings (enfin surtout moi pour le coup), et sortions faire un tour une fois par jour. L’angoisse n’est plus la même, mais moi je l’évacue de la même façon que quand j’étais en thèse : je termine toutes mes journées par une bonne grosse partie de Angry Birds. Rien de tel pour s’endormir paisiblement (non).

Bref, « on s’occupe comme on peut » ! Je télétravaille, je fais des cakes, du sport à la maison, des coloriages anti-stress, je binge-watche Tiger King (ne reproduisez pas ça chez vous), et mes plantes vertes crèvent toujours autant. Classique.

J’ai très envie (parce que pourquoi pas après tout) de terminer ce billet impromptu sur les mots sages du Dr. K. qui me paraissent à propos : « Prenez le citron le plus aigre que la vie puisse offrir et transformez-le en quelque chose qui ressemble à une limonade »*

* “Take the sourest lemon life has to offer and turn it into something resembling lemonade” (Dr. K, This is Us)

Bientôt What-Sup reprend le cours normal de son programme avec des articles sur le doctorat ! Promis.
Un article sur le confinement
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2 avis sur « Un article sur le confinement »

  • 9 avril 2020 à 12 h 15 min
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    Bonjour Sophie, j’aime beaucoup ce billet «rhapsodique» (même si vous n’interpellez pas votre mère et n’avez tué personne)… Un mot sur la prise de décision lorsque survient une crise, surtout une crise rampante comme le début d’une exponentielle avant qu’elle ne bondisse brutalement: en fait tout le monde attend une décision, et on regarde les voisins pour savoir quoi faire ou ne pas faire, et surtout ne pas aller à contre-courant, ne pas sortir de l’éternelle compétition. Si les autres n’arrêtent pas, alors on continue, pour ne pas se laisser distancer… Dans ce contexte, lorsqu’un·e responsable tranche, au-delà des critiques toujours possibles (trop tôt, trop tard, trop élastique… de toute façon j’avais pas voté pour elle/lui…), il y a un vrai soulagement de tou·te·s celles et ceux qui peuvent enfin
    – suivre une consigne
    – faire comme tout le monde
    – râler sans assumer 😉
    mais aussi
    – aller de l’avant
    – refaire des projets basés sur la situation nouvelle
    – libérer l’énergie bloquée par l’incertitude.
    Et lorsque cette décision consiste en un arrêt des opérations (total ou partiel), cela permet aussi de souffler un peu, sans culpabiliser de ne jamais en faire assez.

    Répondre
    • 5 mai 2020 à 8 h 35 min
      Permalien

      Merci Denis ! Je cherche encore comment libérer l’énergie bloquée par l’incertitude … 🙂

      Répondre

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