Tout comme on entend tout et n’importe quoi au sujet des probables alliances politiques entre les partis belges (#élections), et tout comme on raconte tout et rien à propos des possibilités d’impeachment de Trump (#muellerreport), il faut bien dire qu’on en raconte des vertes et des pas mûres à propos du doctorat. Bon ok, ces comparaisons n’ont vraiment ni queue, ni cul, ni tête, mais j’avais envie de faire intello alors quoi de mieux que des références politiques ? Bref, ce mois-ci, What-Sup s’attaque aux clichés au sujet du doctorat qui ont la vie dure, on en va tenter de démêler le vrai du faux, et le frais du veau (quoi ?). C’est darty mon kiki !

[VRAUX] Le doctorat est un travail solitaire

Un peu de oui, un peu de non pour cette question (qui n’en est pas une). Parce que bien sûr que oui, ton cercle de meilleurs potes va changer : de la bande de picoleuses et picoleurs de TD (si tu es français·e, clique ici sinon cette phrase n’a aucun sens, et va au lexique ! sans vouloir te commander bien entendu), bref je disais que ta bande de potes va maintenant se transformer en : ton ordinateur portable, ton disque dur externe, ta carte de bibliothèque ou ton bec Bunsen (haha #cliché #riredesespropresblagues), ta clé usb, ton cloud, ta Senseo (et les doubles pads force 12) et, si t’es vraiment au bout du rols, des Monster Energy (non je déconne ne bois surtout pas ça) (vraiment) (#notsponso). Mais ce n’est pas pour autant que le travail doctoral est un travail solitaire ! Que nenni Johnny !

En réalité, comme précisé dans cet article commentant les résultats de l’enquête « Génération PhD » menée récemment en France, il ne faut pas confondre isolement et solitude. Cette dernière repose davantage sur un sentiment que sur une réalité. Tout·e doctorant·e est intégré·e à une (ou plusieurs, selon les universités) équipes de recherches (centres de recherche, eux-mêmes rattachés à des instituts, ou laboratoires). Autant dire que tu rencontres inévitablement du monde et qu’il est possible de briser ce sentiment de solitude : aller vers les autres (avec leur consentement), participer aux présentations, donner ton avis (non sollicité) sur le dernier article d’un post-doc fantôme, networker pendant tes pauses, demander à ta collègue qu’elle demande à son directeur si une prof de Paris XIV accepterait d’être dans ton jury, faire des sorties “bières+ épistémolgie” avec ton centre de recherche : il y a toujours de quoi faire dans le monde de la recherche. Comme le précise Bénédicte Thonon dans une interview donnée à Objectif Recherche, ce qui permet de donner du sens à la recherche, c’est aussi de travailler en équipe ! Voir que son projet s’insère dans quelque chose de plus global et qu’il permet, si pas de faire avancer, au moins de questionner d’autres pratiques, est clairement un moyen de maintenir sa motivation durant le doctorat.

[FAUX] Ça sert à rien de faire un doctorat parce qu’il n’y a pas assez de postes académiques

Ici encore, cette affirmation est totalement vrausse : oui, ça sert à faire quelque chose de faire un doctorat, et en effet, non, il n’y a pas assez de postes académiques. Il me semble que ça pose en réalité une vraie question : si on sait que les chances de mener une carrière académique sont minces, pourquoi se lancer dans la réalisation d’une thèse ?

Pas mal d’études ont montré récemment que la majorité des doctorant·es aspirent à une carrière académique lorsqu’ils débutent leur thèse, mais que cette aspiration diminue au fil du parcours doctoral, une fois que la dure réalité apparaît sous leurs yeux ébahis tout comme un iceberg apparaît devant Kate & Leo. Mais donc, pourquoi continuer ? La réalisation d’une thèse permet d’acquérir un nombre assez impressionnant de compétences transversales, c’est-à-dire des compétences acquises dans un certain milieu professionnel (le doctorat) mais qui peuvent être mobilisées dans tout autre secteur professionnel (le privé, le public, le self entreprenariat, les CDD, les CDI, les jobs cools et les jobs nazes). Naviguons vers un exemple des plus bateau (ha !) : la communication. Même si on abandonne l’idée d’une carrière instable durant des années académique, l’accumulation de compétences communicatives est intéressante dans de nombreux emplois : pouvoir s’exprimer en public avec aisance, maitriser des langues étrangères, maîtriser l’écriture d’un texte, s’adapter à son public, utiliser un vocabulaire soutenu, et j’en passe. Plutôt utile pour, je sais pas moi, enseigner, ou dispenser des formations, ou travailler dans l’édition par exemple. Non ?

Le doctorat est à envisager comme une expérience professionnelle parce qu’il l’est et que cela peut éviter de se bercer de douces illusions quant aux possibilités de carrière, qui ne dépendent pas toujours de son propre talent et de ses nombreuses qualités, mais sont parfois imputables à des facteurs externes et dissidences internes (c’est pas que pour la rime, crois moi). Ceci dit, il est toujours utile de réaliser un bilan de compétences, à tous les stades du doctorat, parce que cela permet de rééquilibrer ce qui est acquis et les objectifs qu’il reste à atteindre en termes de compétences transversales. Il ne faut néanmoins pas croire que le doctorat prépare aux carrières hors-académiques, c’est plutôt ce qu’on en fait qui permet d’accéder à certaines carrières (voir ici pour mon avis sur un article récemment paru sur cette question).

Et maintenant je vais mettre un gif rigolo parce que parler aussi sérieusement si longuement sans jeu de mot n’est pas dans mes habitudes.

Toi qui en as marre d’entendre les gens te dire que c’est cool de faire une thèse même si ça mène pas à une carrière académique

[VRAUX] Les directeurs et directrices de thèses, c’est rien que des méchant·es

Ha ha ha ha (rire tendu). Bon. Tentons d’objectiver l’histoire et de ne pas sauter à pieds joints dans la généralisation de comportements répréhensifs, et de tout foutre sur le dos de nos bien-aimé·es (sic) directeurs et directrices. Disons-le tout de suite : c’est une prouesse pour moi parce que j’ai pas exactement eu un parcours rêvé de ce côté-là. Souvent, les problèmes relationnels sont liés à une forme d’incompatibilité entre ce que l’un·e estime être le rôle de l’autre. Alors faisons un peu le point sur les devoirs des zuns, et les devoirs des zautres.

Un directeur ou une directrice de thèse a avant tout un rôle de guide, qui a sous sa responsabilité le parcours scientifique de son ou sa doctorant·e. C’est de là que découlent ses devoirs : il ou elle conseille, s’assure de la bonne conduite du projet, oriente – si nécessaire, recommande certaines lectures, accueille les hypothèses et tente de s’assurer que des bonnes conditions de travail sont réunies pour que le parcours doctoral se déroule sans encombre majeure. Et c’est sans doute là que les choses peuvent commencer à se gâter et que les malentendus peuvent s‘installer telle une tique dans de la chair fraiche. Que dire d’un directeur de thèse qui change de crèmerie d’université (voire de pays) et qui décide de tout de même garder ses doctorant·es ? Qu’est-ce qui apparait comme étant véritablement dans l’intérêt des doctorant·es (à part ne pas changer d’université bien entendu) ? C’est avant tout une question de point de vue et de climat de confiance !

Je pense en réalité que le rôle n°1 du directeur ou de la directrice est le suivant (et clairement pas le plus évident à mesurer !) : favoriser l’autonomie du chercheur ou de la chercheuse en formation qu’il ou elle prend sous son aile. En effet, le ou la doctorant·e, de son côté, est responsable de son parcours doctoral, et en favorisant sur sur-encadrement ou sur sur-accompagnement, on a parfois tendance à leur faire oublier ça. C’est à elle ou lui qu’il revient de faire en sorte que le travail aboutisse à une soutenance et que les résultats de la recherche soient validés par la communauté scientifique. Cela n’empêche pas de se faire aider et accompagner dans cette démarche : mais cela devrait toujours être fait dans une perspective de responsabilisation. Le tout doit donc être arrosé d’un zeste de supervision, d’un soupçon de suivi scientifique, d’une pincée d’autonomie, d’une bonne dose de bonne humeur (de préférence mais évidemment rien n’indique qu’il est interdit de tirer la tronche). Mais la vraie recette du bonheur, que ce soit bien clair, c’est avant tout la communication : s’assurer que tout le monde se comprenne permet d’éviter des situations tendues tout au long du parcours et au moment de la soutenance.

[VRAI] Un doctorat, c’est pas très Jean-Marc Nollet – friendly

Une blague que seuls les Belges peuvent comprendre, sorry not sorry. Disons dans un langage plus universel que c’est pas très “Marche Pour le Climat”-friendly. Bref, une thèse, c’est pas écolo, et ça c’est clair, net et sans ambiguïté. Déjà parce que, en moyenne, au cours d’un doctorat, on imprime 4x le même article parce qu’on a oublié qu’on l’avait déjà lu, on prend l’avion pour aller à des conférences, on utilise des gobelets et bouteilles en plastique lors des journées d’études et je ne te parle même pas de l’empreinte carbone des mails de rappels que tu envoies quotidiennement à ta directrice de thèse ou à ton collègue de bureau pour relire un document ou signer une lettre. Autant dire que la thèse score pas très haut dans la « Greta Scale », et ce même si tu utilises des serviettes en tissu, des pailles en inox et les merveilleux tote-bags que tu reçois à chaque fois que tu mets les pieds à une conférence.

Alors, réutilise le verso de tes articles déjà imprimés pour en faire des feuilles de brouillon (ou mieux : ne les imprime pas ! mais alors attention au coût des prochaines lunettes … cf. infra), décore ton bureau d’une jolie plante qui te fournira en oxygène (non c’est faux il paraît que ça fonctionne pas), achète tes bouquins en seconde main, pousse ton centre de recherches à investir dans des bouteilles en verre réutilisables (comme eux ici), et tutti quanti. Évidemment si ton sujet de thèse est précisément d’essayer de réduire l’impact du changement climatique, c’est bon, tu es exempté·e, tu en fais déjà assez comme ça.

[VRAI] La thèse nuit gravement à la santé

Et ce n’est pas que le nom d’un site publiant des dessins caricaturaux (dans le bon sens du terme) du parcours doctoral, non non, ce n’est pas qu’une figure de style, la thèse nuit (plus ou moins) gravement à la santé. Il y a depuis peu un véritable consensus sur le fait que la réalisation d’un doctorat a un réel impact sur la santé mentale : anxiété, dépression, stress, troubles du sommeil, risques de burn-out, de nombreuses études soulignent les dangers liés aux dérives du monde académique. A faire avant toute chose, et même avant d’en parler, c’est de prendre du recul et de tenter d’identifier ce qui pose problème : est-ce le travail scientifique en tant que tel ? Est-ce la relation avec le directeur ou la directrice ? Est-ce le manque de reconnaissance ? Le manque de temps ? Est-ce l’odeur des tartines au jambon blanc de mon collègue ? Une fois la source de stress identifiée, il ne faut pas hésiter – quand le temps est venu – d’en parler et de se faire accompagner. Parfois un changement peut être bénéfique : pour moi, ça a été de changer d’université de cotutelle, et de facto de donner cours pendant 3 ans, de facto de rencontrer plein de chouettes personnes, de facto de donner un souffle nouveau à ma thèse, et de facto de la soutenir. Les battements d’ailes d’un papillon, tout ça…

Ce dont on parle moins souvent par contre, c’est de ce qui ne relève pas de la santé mentale ! Je mentirais si je disais que j’avais mangé sain et équilibré en mode 5 fruits et légumes durant les années de thèse, et je te rappelle que j’ai fait 3 ans de doctorat dans ce qu’on appelait encore à l’époque la région du Limousin (#jesuisvieille), et on peut bien dire ce qu’on veut sur Limoges, mais y a bien un truc qu’ils faisaient bien : c’était bouffer et faire à bouffer (ok ça fait 2 trucs). Et comme je suis loin d’être réputée pour ma faible fourchette, j’ai pris de la brioche, au sens littéral et moins littéral du terme. Et il paraitrait que niveau santé, c’est pas top top. En plus de tout ça, j’ai perdu 1 point de vue (#truestory) à force de passer mon temps à zoomer pour lire des textes OCRisés sur mon ordinateur. Bref, prenez soin de vous, mangez mieux, bougez plus et aimez-vous les uns les autres.

Idées reçues à propos du doctorat : le faux du vrai et vice-versa
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