Il y a quelques semaines, What-Sup s’intéressait au combo « bébé/thèse ». Dans ce billet, j’interrogeais une maman et un papa pour qui l’arrivée du bébé a été particulièrement salutaire et propice à donner un nouveau souffle au travail doctoral. Il était question de flexibilité, de respect et de sérénité. BREAKING NEWS : ce n’est pas le cas pour tout le monde ! Il y a beaucoup de facteurs qui peuvent entrer en ligne de compte pour rendre la période de combo « thèse/bébé » difficile : un directeur peu frileux à l’idée de devoir gérer une doctorante-maman (et vice-versa), un entourage sceptique, un.e conjoint.e peu compréhensif, un bébé un peu plus difficile, un emploi du temps compliqué à gérer. Bref, cette semaine, What-Sup rectifie le tir et donne la parole à ceux et celles pour qui on peut pas tout à fait dire que ça a été rigolol.

J’ai lu pas mal de commentaires sur Twitter concernant la difficulté que représentait l’arrivée d’un (ou plusieurs) bébé(s) durant le parcours doctoral. Que c’était pas une sinécure, comme dirait l’autre. Alors autant je pouvais m’interroger moi-même pour des sujets liés à l’abandon de thèse, au fait de travailler en étant en thèse ou encore sur ce que c’est que de faire une thèse en Histoire, autant en matière de bébé, je n’y connais rien. A part jouer avec leur visage mou et faire semblant (le plus souvent) de manger leurs pieds, je sais ni ce que ça implique, ni ce que ça coute en énergie, en temps (et en argent). L’ambiance « carnet rose » du billet précédent était donc forcément tributaire de l’expérience de mes interrogé.e.s. Cette semaine, autre salle, autre ambiance.

Je commence à m’habituer au fait que les personnes que je contacte pour le blog soient très occupées et ne répondent que très tardivement à mes sollicitations un peu lourdasses. Je m’en plains pas, après tout, j’ai moi-même choisi de lancer un blog sur l’enseignement supérieur, en connaissant le fourbi que ça peut être, et en sachant donc bien que je m’adresse à des gens à l’agenda surbooké au delà de l’Horizon 2020. Mais en m’attaquant aux parents actifs dans le milieu académique, j’ai atteint un nouveau level en termes d’agendas gribouillés de toutes parts. Et je les remercie d’avoir répondu à mes 17 sollicitations et rappels, et d’avoir pris le temps de me raconter leur vie, leur œuvre, de parents en thèse. Cette fois, parce qu’il faut bien varier les plaisirs, tout a été fait anonymement, par peur des représailles (non) (c’est faux) (vraiment).

Histoire de se mettre directement dans l’ambiance, ici une citation de l’une des personnes que j’ai interrogées dans ce billet : « Je ne recommande à personne d’écrire une thèse avec, en parallèle, des mômes et une vie professionnelle ». Je pose ça là, comme on disait en 2016. Parce que oui, un enfant, ça prend du temps, et je dis pas ça juste parce que ça rime. De façon tout à fait concrète, les mômes (pour reprendre ce terme fleuri qui n’est pas de moi, promis) empêchent généralement de se plonger à corps perdu dans la thèse, si ce n’est en stratégie de fuite : la nuit (sans pouvoir compenser les précieuses heures de sommeil perdues évidemment), pendant les vacances (en mode « Family : NOT HAPPY »), ou en quittant tout bonnement la maison et le bureau (en mode « : « Conjoint.e : NOT HAPPY »). Les périodes qu’il est possible de consacrer entièrement et uniquement à la thèse sont donc forcément limitées.

Dans le billet précédent, je mentionnais le fait que, comme dans tout boulot normalement constitué, les parents bénéficient d’un congé de maternité ou de paternité. Quelle chance, non ? Sauf peut-être quand tes collègues s’imaginent que ça te fait une rallonge bien confo pour la rédaction de la thèse. Que nenni, Johnny ! La période bien injustement appelée « congé » de maternité n’est pas toujours une sinécure, et c’est vraiment peu de le dire. En effet, cette période d’arrêt est parfois synonyme de fréquents rendez-vous médicaux, parfois dus à un accouchement difficile ou à des complications physiques et psychologiques. Récupérer un corps fonctionnel après un accouchement, ça ne se fait pas tout seul, et ça ne se fait sûrement pas en écrivant une thèse.

En outre, j’avais souligné précédemment le confort que pouvait représenter un financement doctoral en termes de gestion du temps pour s’occuper de ton enfant aux minus doigts et aux cheveux doux. Il faut toutefois nuancer cette assertion. Tous les enfants n’ont pas les cheveux doux, et la flexibilité, c’est très pratique, mais ça peut aussi vouloir dire que les contraintes retombent le plus souvent sur le.la doctorant.e. En raison de leur emploi du temps modulable, il est facile de pouvoir compter sur des gens qui peuvent « facilement » (sic) se libérer pour s’occuper de du visage mou (cf. supra) de l’enfant, l’emmener chez la pédiatre, chez le coiffeur, lui donner son bain, sa panade-faite-maison-avec-des-bananes-bio ou encore lui apprendre à compter jusque 4 en chinois.

C’est vrai quoi, pas besoin de prendre congé, ni de prévenir le boss, ni d’appeler les collègues (d’ailleurs t’as peut-être pas de collègues #PhDLife). Et pour certains, cette sur-flexibilité allonge considérablement le temps de réalisation du travail, et donc la course aux financements. On a déjà vu plus confortable en termes de bien-être.

Être flexible quand on a une thèse et des enfants, ça a plein d’avantages, mais cela impose également un rythme qui ne convient pas forcément : « les enfants imposent inévitablement leur cadre alors que pour écrire, tu voudrais suivre le tien et alterner procrastination (contemplation des murs et du plafond et/ou binge-watching de séries) et séances frénétiques d’écriture au milieu de la nuit » (je cite, mais ça tu l’avais compris parce qu’en tant que bonne ex-chercheuse, j’ai mis des guillemets).

En effet, ce qui a été souligné par de nombreux docto-parents, c’est la difficulté de gérer la période de rédaction. Celle-ci nécessite une liberté dans l’agenda mais aussi une liberté d’esprit : pouvoir se concentrer pendant quelques heures pour pondre du texte intelligent (de préférence), ça demande de l’énergie. Et l’énergie, tu la perds en même temps que ton sommeil. Et écrire sans avoir pu dormir, c’est comme demander à un baptisé ulbiste de passer un examen un 21 novembre : no way José ! (si tu ne comprends pas cette petite blague, c’est que ton centre névralgique de situe au-delà des frontières de notre plat pays. Cadeau)

Mais pour terminer sur une note un peu plus fleurie, et pour se remettre dans l’ambiance du billet précédemment consacré à la vie en thèse avec un bébé, il faut quand même bien dire ceci : toutes (absolument toutes) les personnes que j’ai interrogées sont sur un petit nuage avec leur(s) enfant(s). Évidemment. C’est pas parce que c’est difficile et que ça peut potentiellement compliquer le cours de la carrière scientifique qu’ils et elles ne sont pas heureux avec leur progéniture et leurs adorables petites pieds plein de minuscules orteils et leur petite face molle.

 

Retrouve le volet I du billet par ici

Faire une thèse … et un bébé (II : the dark side)
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Un avis sur « Faire une thèse … et un bébé (II : the dark side) »

  • 7 mai 2021 à 10 h 11 min
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    Et le volet III: un bébé en thèse, impact sur la carrière académique? #Rires

    De ma petite expérience (bébé arrivé en fin de master 2, thèse dans la foulée), gérer les 2 premiers années de bébé n’est pas un problème en thèse (beaucoup de temps de cerveau disponible pour penser et préparer mentalement les plages de travail sans bébé) . En revanche, la charge que représente un enfant après 2 ans, qui demande une interaction plus construite (des jeux, de vraies discussions, beaucoup de questions, répétitions) est beaucoup plus importante et je dirais contraignante quand à l’après-thèse:
    1) tu ne peux plus penser en amont à tes plages de travail sans bébé car quand tu es avec ton jeune enfant, tu es à 100% ;
    2) tu arrives épuisée à tes plages de travail et donc pas évident de s’y mettre.
    D’où un décalage entre tes capacités limitées (en énergie et en temps – ahhh, l’arrivée en maternelle et ses horaires short short short, surtout quand tu vis à l’étranger, que tu n’as pas de famille dans le coin pour faire des pauses garderie ) et ce que le système (en sciences du moins, mon créneau) te demande pour rester dans le milieu académique: des publis, plus de publis et encore des publis, des projets parallèles, monter des dossiers pour une hypothétique bourse. Pour au final être comparée à des dossiers de postdoctorants qui ont bien rarement la même charge sur les épaules.

    Alors si tu rajoutes un(e) covid et des écoles fermées à répétition (ici ou dans les pays que j’ai fréquentés)…. j’ai hâte de voir les études d’impact sur les carrières (au-delà de la thèse) des jeunes mamans (et papa) chercheurs !

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