Ce 2 juin 2020, ça faisait très exactement 3 ans que j’avais soutenu ma thèse publiquement. J’ai fêté ça en relisant mon discours de soutenance (bah oui je sais comment m’amuser #partyhard), et je me suis dit que je n’en avais pas encore véritablement parlé par ici alors que j’avais évidemment plein de choses à en dire. Ma soutenance est sans doute l’étape que j’ai le mieux réussi dans ma thèse et dont je garde sans conteste le meilleur souvenir. C’est celle qui a donné sens à toutes ces années de doute et d’arrachage de cheveux en quatre. Retour sur cette chaude journée de juin 2017 et accroche toi bien parce que ça déménage !
Disclaimer : J’ai essayé d’accompagner ce récit de vie de quelques conseils pour les doctorant·es qui vont bientôt passer à la moulinette de leur jury, donc comme d’hab, je cause, je cause, et j’en dis trop et plus encore. Et comme il parait qu’il faut éviter les billets de blog trop longs, la suite sera publiée la semaine prochaine (grands dieux mais quel TEASING).
On apprend en s’amusant
Avant de blablater sans filtre sur mon expérience de soutenance, je souhaitais tout de même revenir (très brièvement n’exagérons rien) sur l’évolution du système lié aux soutenances en Belgique. Chez nous, depuis 2014, le processus de soutenance se passe en deux temps dans la mesure où la soutenance publique est obligatoirement précédée d’une défense privée. L’objectif est de permettre une discussion de fond véritablement scientifique entre le ou la doctorant·e et l’ensemble de son jury, présent dans son intégralité. À l’issue de cette défense privée, le texte doit parfois être retravaillé en vue de la soutenance publique qui a lieu soit dans la foulée, soit quelques semaines après. C’est à l’issue de la soutenance publique, réalisée comme son nom peut le laisser deviner, en public, que le titre de docteur·e est décerné et qu’on fête ça autour de (trop) nombreux verres de bulles avec plein de gens qui viennent te dire qu’ils ont enfin compris ce que tu faisais. Sur ces bases, chaque université organise son système de soutenance comme elle le souhaite.
Bon je dis ça, mais moi je suis déjà une « vieille » : je ne suis pas passée par ce système de double soutenance parce que j’étais une doctorante en transit entre le vieux système (Bologne) et le nouveau système (Paysage). Autrement dit, quand je me suis inscrite en thèse en 2011, j’étais soumise aux règles du Décret de Bologne (2004 : Décret définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités) qui ne prévoyait pas systématiquement le système de la défense privée. C’était possible, mais peu courant (en tout cas pour ce que j’en ai vu). Cette systématisation provient en réalité des dispositions du Décret de 2013 définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études, poétiquement surnommé « Paysage ». Donc à la question « t’es plutôt Bologne ou plutôt Paysage ? », moi je répondais « les deux » vu que j’étais soumise à une réglementation transitoire qui n’était absolument pas claire pour moi à l’époque, mais qui en tout cas me dispensait potentiellement d’une défense privée. Bon soyons clairs, personne ne m’a jamais posé cette question mais j’invente parfois des choses pour le bien-fondé de la narration.
Séminaire de présentation des résultats de la recherche
Pour rappel, j’ai réalisé ma thèse en cotutelle et à ce titre, j’ai présenté des résultats de recherches lors d’un séminaire organisé dans l’université où n’avait pas lieu ma soutenance publique, donc, à l’ULB. C’était le 17 mai 2017 et on était déjà en pleine canicule, comme tu peux le constater à l’aide de l’image moche et pixelisée qui illustre ce paragraphe puisque toutes les fenêtres étaient stratégiquement occultées. Je parle de la canicule parce que ça plante le décor et pour le bien de la narration, mais aussi parce que ça a une incidence (certes peu cruciale) sur la suite du récit. Ce n’était pas à proprement parler une défense privée parce que 1) c’était plus ou moins public et que 2) mon jury n’était pas présent au complet. Mais c’était une bonne préparation parce que ça m’a permis de replonger dans mon travail après l’avoir un peu laissé dormir pendant quelques semaines, d’être confrontée à quelques questions, ça a également été un bon exercice pour pratiquer mon célèbre art oratoire et détecter les tics de langage désagréables (« Alooors, … » ou « …, voilà »). Je n’ai pas raconté exactement la même chose lors de ce séminaire que pendant la soutenance : mon promoteur m’avait demandé de choisir un angle plus précis pour ce séminaire. Pour rappel, j’ai travaillé sur les normes carolingiennes en matière de sexualité, en plus particulièrement dans les capitulaires carolingiens. Tu peux m’écouter en parler ici si tu te demandes encore quoi faire quand tu vas faire le 14ème tour de ton quartier de la semaine #passionécouterdespodcastspendantleconfinement. Bref, j’avais choisi pour mon séminaire public de ne parler que des dynamiques de répression dans les documents légilsatifs carolingiens. Et comme j’aime toujours faire une petite entrée fracassante, mon titre était « Le sexe interdit ». J’avais trouvé ça chouette parce que, durant la soutenance publique, comme on ne peut pas anticiper toutes les questions, on ne sait jamais quelle direction la discussion va prendre. Et au moins là, j’ai eu l’occasion de parler de ce qui m’avait vraiment plu dans mon sujet : les mécanismes de punition des transgressions sexuelles, et des différences en fonction du genre (puisque les femmes étaient victimes 90% du temps) (ne prends pas ce pourcentage pour argent comptant il n’a rien de scientifique) (j’ai dit 90% mais j’aurais tout aussi pu dire 91%).
Aujourd’hui, le séminaire public de présentation des résultats de recherche est une possibilité dans le cadre des cotutelles, et je ne peux que recommander de se plier à l’exercice. Et puis on va pas s’mentir, toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête, et moi je me souviens parfaitement de la petite terrasse entre médiévistes qui a suivi ce séminaire, des discussions informelles, des petits conseils de dernière minute, des discussions autour de l’après-thèse, et de l’effet du rosé combiné à un soleil puissant.
La composition du jury
Comme je n’ai pas dû passer par la case « défense privée », à la place, j’ai dû obtenir l’autorisation de soutenance de la part de tous les membres de mon jury. Mon jury était composé de 7 personnes, issues de 5 universités différentes. J’avais donc 2 académiques de l’ULB (dont mon promoteur), 2 académiques de l’USL-B (dont mon autre promoteur et mon président de jury), de deux externes (dont j’ai d’ailleurs parlé dans le dernier article en mode #coeursurelles), et d’un autre externe qui n’était autre que mon précédent promoteur. J’étais grosso modo ravie de cette composition de jury qui comportait un bon 85% de gens que j’appréciais sincèrement et dont l’avis m’importait vraiment. Je trouve que c’est franchement une bonne moyenne, surtout que je n’ai pu vraiment choisir que 2 personnes. Toujours est-il que 85% de mon jury a donné sans souci l’autorisation de soutenance, et il a fallu arracher l’autorisation du 15% restant mais on a donc pu finir par se mettre d’accord sur une date qui arrangeait plus ou moins tout le monde (sauf 1 qui a – et il a eu bien raison – préféré aller siroter une caipirinha sur les plages de Rio)(en vrai c’est un peu faux mais il avait en tout cas une bonne raison de ne pas être là). Cela ne posait pas de problème : un membre absent peut faire parvenir au président un rapport écrit avec des questions, qui sera lu lors de la soutenance. Et quelques jours avant ma soutenance, j’apprends qu’un autre membre du jury ne pourra malheureusement pas être là non plus. Ici c’est pareil, pas de souci à partir du moment où un rapport est transmis au président, qui le lit lors de la soutenance.
J’ai fait une thèse en histoire médiévale et mon jury était composé d’historien·nes, qui avaient chacun·e leur spécialité : politique carolingienne, histoire de la famille, histoire du droit, histoire religieuse, etc… Ce sont toutes des personnes que je connaissais, par la force des choses, personnellement ou que j’avais au moins eu l’occasion de rencontrer quelques fois. Il est important de bien connaître son jury ou en tout cas d’avoir une idée claire de la direction de leurs travaux. Tout le monde a ses petites manies et ses petites obsessions, et avoir une bonne connaissance de celles des membres du jury permet d’éviter de tomber de son sus quand vient l’heure des questions.
(Se) préparer
A priori, si tu arrives au jour de ta soutenance, à moins d’une catastrophe nucléaire ou que tu pètes une case devant ton jury, on peut dire que c’est dans la poche et que tu obtiens ton grade de docteur·e. Il arrive très rarement de rater sa soutenance publique (je pense même que ça n’arrive jamais mais j’imagine qu’il doit bien y avoir 2-3 exemples qui doivent traîner dans la nature donc à ma place je ne serais pas aussi catégorique). C’est donc une journée stressante, dont l’enjeu reste important parce que tu n’as pas envie de passer pour un jambon devant ta famille et tes ami·es. Parce que l’exercice de la soutenance est en effet un exercice public : normalement (sauf en cas de pandémie – et encore) tout le monde peut assister à une soutenance publique.
Moi j’avais encore invité « à l’ancienne », avec un mail, tout en combinant avec la modernité et donc en postant l’annonce de ma soutenance sur les réseaux sociaux pour 1) faire ma maligne et 2) inviter les gens dont je n’ai pas l’adresse mail et 3) encore un peu faire ma maligne. J’ai fait ça sobrement avec un mail court et même pas de jeu de mot (et même pas de petite formule de politesse #oopsie). Mais j’ai quand même fait une référence à la pop-culture du moon-walk. Enfin, ce qui est surtout essentiel, c’est d’indiquer le plan pour accéder au local. Il y a beaucoup de chances que la moitié des personnes présentes n’ait jamais mis les pieds dans ton université, donc leur dire « ouais ouais rdv au 3200 ! » ça va pas trop leur parler si tu vois c’que j’veud. Il faut aussi surtout demander à tes illustres invité·es de confirmer leur lumineuse présence parce qu’il faut prévoir en conséquence pour le drink – aka « le pot de soutenance » (ne t’inquiète pas, je vais consacrer un paragraphe exclusivement à l’organisation du drink dans la seconde partie de ce billet en deux parties #danslautrepartiedonc).
J’avais assisté quelques semaines auparavant à la soutenance de celui qui est aujourd’hui mon mari, et ça m’a pas mal aidé pour avoir une idée claire de tout ce qu’il fallait préparer et avoir à l’esprit pour que tout se déroule le plus correctement possible : se battre avec les différentes administrations, acheter de la binouze, préparer son texte de soutenance, le répéter, trouver qu’il est trop long, qu’il est nul, que tu vas jamais y arriver, très mal dormir la veille et faire la liste de toutes les choses que tu vas faire une fois que tu auras soutenu.
Je dois bien reconnaître que mon « avant soutenance » a été globalement paisible. J’avais un travail (j’étais assistante), je n’avais aucune intention de postuler pour un post-doc donc je n’étais pas super pressée par le temps, j’ai pu faire toutes les démarches administratives (dépôt électronique de la thèse, contacts avec le service comm’ pour la publicité de l’annonce, etc.) auprès de mes deux universités (j’avoue que c’est plus facile quand elles sont situées dans la même ville hihi), j’ai même pu chialer à mon aise en mode #yolo dans plusieurs bureaux et auprès de plusieurs personnes dès que j’étais confrontée à la moindre contrariété. Que demander de plus ? Et comme prévu, ce récit est déjà moultement trop long, rendez-vous la semaine prochaine (ou en cliquant ici) pour ce que vous attendez tous et toutes avec une ardeur sans précédent : le jour J et l’organisation du drink! #teasing