Je sais pas chez toi, mais chez moi, 2020 a commencé sur les chapeaux de roue ! Et je dis pas ça juste parce que j’adore cette expression parce que j’imagine des petits chapeaux-melon sur des rollers. Bref, pour ce premier billet du cru What-Sup Millésime 2020, j’avais envie de revenir sur 2-3 (en fait, 5) choses que j’aurais aimé savoir avant de me lancer dans une thèse. Et crois-moi bien qu’il y en a en réalité beaucoup plus que ça mais la bienséance m’empêche de tout dévoiler. N’hésitez pas à partager en commentaires ce que vous auriez aimé savoir avant de vous lancer dans cette scandaleuse aventure !
Avant tout, un petit préambule s’impose. Cet article est consacré à ce que j’aurais aimé savoir au moment de commencer ma thèse, mais surtout ce que j’aurais aimé comprendre. Ce n’est pas ce que j’aurais aimé qu’on me dise, parce que je sais que je n’aurais sans doute pas écouté et que comme à mon habitude j’en aurais fait qu’à ma tête. Oups. Je trouvais juste que “Ce dont j’aurais aimé avoir véritablement conscience en commençant ma thèse comme ça j’aurais évité beaucoup d’énervement et de frustrations”, c’était un peu long comme titre.
Une thèse, ça se prépare
La première chose que j’aurais aimé savoir, c’est qu’une thèse, ça se prépare, ça se pense, ça se réfléchit et ça s’élabore. Comment, te demandes-tu ? À quelle fin, t’interroges-tu ? Avec qui, te questionnes-tu ? C’est simple (non), la première étape est sans doute de trouver un·e doctorant·e et de faire le plein d’informations sur le parcours doctoral, sur le travail de recherche, sur ce que ça signifie véritablement de faire une thèse. L’idéal est évidemment de discuter avec une personne qui appartient au centre de recherche / laboratoire où tu envisages de mener ta recherche. Les équipes de recherche sont des écosystèmes particuliers qui fonctionnent tous très différemment: dynamiques, horaires, dimension sociale, rapport au travail, au café, aux blagues de Toto, bref c’est tout un monde auquel il convient de s’adapter. Si tu veux faire un bingo (pas littéralement parce que là je peux pas t’aider) (mais un bingo dans le sens “cocher toutes les bonnes cases”) (tu avais compris mais bon), trouve donc quelqu’un qui réalise sa thèse avec le promoteur ou la promotrice avec qui tu souhaites travailler. C’est généralement intéressant d’avoir un écho sur ses manies, de son style d’encadrement, de ses exigences, de savoir s’il ou elle est du genre à te soutenir et te suggérer des pistes pertinentes, ou si c’est plutôt du genre à te toiser parce que tu n’as pas lu l’article qu’il ou elle a écrit en allemand en 2004.
Naturellement, et quelle transition remarquablement bien gérée, une autre personne avec qui il est essentiel de discuter autour d’un bon chocolat chaud (en bilat’, comme on dit) (enfin pas moi) (c’est plutôt le genre de Théobald de prévoir des réu’ en bilat’), BREF c’est toujours bien d’aller causer avec le ou la futur·e promoteur·rice. Faire le point sur les attentes de l’un·e et les devoirs de l’autre est une étape qui est encore trop souvent négligée au profit du « on verra bien comment ça se passe et on pourra toujours rectifier le tir si quelque chose ne fonctionne pas ». Il est pourtant essentiel de mettre les choses au clair dès le début (et ça n’exclut pas quelques adaptations au fil du parcours) et ces choses, elles sont essentiellement liées au calendrier : fréquence des rencontres, jalons liés au travail scientifique, rédaction du 1er article, formations transversales, etc.
La préparation est en réalité multiple : évidemment il est important de savoir dans quoi tu mets les pieds, le genre de vie qui t’attend en te lançant dans une thèse, mais il ne faut pas négliger la préparation scientifique. Trouver un sujet de thèse n’est pas une mince affaire et demande une véritable réflexion. C’est d’ailleurs pour ça que j’avais, in illo tempore non suspecto, déjà consacré un billet entier sur la question en racontant un peu ma vie, mon oeuvre, comme à mon habitude. Un projet doctoral se pense, il mûrit, il s’affine, se confronte à ce qui a déjà été fait, et il faut parfois plusieurs mois pour que l’idée qui a germé sur un sol en jachère laisse place à un joli bourgeon qui va permettre à une belle recherche d’éclore. Et la métaphore végétale, c’est cadeau.
Parler de sa thèse = Bieeeen. Ne pas en parler = Pas bieeeen
Ce que j’aurais aimé savoir également, c’est l’importance de s’entourer de gens avec qui on peut parler de la thèse. Pour s’en plaindre, pour s’en réjouir, pour convaincre le monde entier (et soi-même parfois, par la même occasion) que c’est intéressant, bref toutes les occasions sont bonnes pour faire référence à la thèse. Bon je dis pas qu’il faut en parler H24 non plus, je suis pas non plus totalement barrée, mais il est important d’avoir un petit groupe-ressources chez qui aller se réjouir du fait qu’on a enfin réussi à traduire ce mot latin qui nous saoulait depuis 6 mois ou chez qui aller râler parce que ta collègue de labo est partie en éteignant les lumières alors que t’étais en train de faire une manip’ ultra sensible. Je dis ça mais en vrai j’ai jamais foutu un orteil dans un labo donc je sais même si c’est possible mais j’essaye de rendre ce blog inclusif en proposant une représentativité de l’ensemble des secteurs okay. Se sentir moins seul dans ses questionnements et savoir vers qui se tourner, c’est véritablement la clé d’un parcours réussi. Et même si ça sonne comme une mauvaise pub pour un coach en développement personnel, je vous assure que c’est vrai. Personnellement, j’ai réalisé un peu trop tard qu’on était un peu tous et toutes dans le même bateau et qu’on était quand même grosso modo confronté·es aux mêmes questions et problèmes.
Et communiquer, ça se passe avec ses ami·es, sa famille, ses collègues, des collègues un peu plus lointains qu’on rencontre lors des formations, mais aussi avec son ou sa promoteur·rice, avec son comité d’accompagnement, les personnes-ressources identifiées dans vos structures, en fonction de ce qui vous chipote (aspects scientifiques, personnels, d’organisation, etc.), ou alors aussi vous pouvez m’écrire ou vider votre sac sur le réseau à l’oiseau bleu ou encore créer un blog pour raconter votre vie en thèse. Et oui, ces 3 liens renvoient vers mon propre blog mais ma foi on a que la pub qu’on se fait #newcredo
Si j’insiste, c’est parce qu’à force de présenter le doctorat comme une expérience solitaire, on finit par trouver ça presque normal d’être seul·e, sans savoir à qui s’adresser, alors qu’en fait, franchement, ben, non, quoi #argumentationenbéton
En outre, il ne faut non pas non plus oublier l’aspect scientifique de la communication : parler de sa recherche à un public, spécialiste ou non, est essentiel ! Communiquer, c’est confronter les vues, les opinions, être capable de résumer, d’élaborer, d’argumenter, de vulgariser, de convaincre, d’exposer un point de vue, de recevoir des critiques, des commentaires, des suggestions, des compliments, bref c’est plutôt chouette de communiquer. Et c’est surtout essentiel parce que cela fait partie intégrante de la formation doctorale : partager les résultats de sa recherche, oralement ou par écrit, c’est quelque chose qui se valorise (et qui permet souvent d’acquérir des crédits, et ça franchement, si ça ne convainc pas que c’est super important, je sais pas ce qu’il faut).
De l’importance du réseau : bilan et perspectives
Encore une fois – franchement je gère les transitions dans cet article ! – énorme lien avec ce qui vient d’être dit. Are you ready pour un petit “Communication 101 : Introduction to the theory of communication”? Eh bien c’est simple : quand tu dis un truc, tu le dis a priori à quelqu’un (voilà, fin du cours, c’était bien, non?). Du coup, ce quelqu’un peut potentiellement faire partie de ton réseau si un contact est établi. Et le principe du réseau, c’est qu’il est aussi constitué des réseaux des réseaux (qui sont aussi constitués de réseaux).
Avoir un réseau (et savoir le mobiliser) permet non seulement de briser ce sale sentiment de solitude, mais aussi de développer des contacts utiles dans la suite de la carrière, quelle que soit son orientation. Loin du piston, la mobilisation du réseau est souvent la clé pour être au courant de possibilité de financements pour des recherches ou des activités scientifiques, de postes qui se libèrent, cela permet aussi de se tenir au courant de l’évolution de la recherche, des pratiques d’enseignement, mais aussi, par exemple, d’apprendre insidieusement qu’une équipe de recherche dans une université lointaine travaille déjà sur la super idée de projet à laquelle tu penses depuis 2015.
Réseauter c’est bien, mais réseauter intelligemment, c’est mieux. C’est pour ainsi dire qu’il faut penser out of the box, cross the lines du réseau, disrupter le game du networking, viser l’openness du mindset pour avoir un réseau pertinent et mobilisable. Tout ce blablabla sans consistance pour dire qu’il est toujours bon d’avoir un réseau académique, un réseau non-académique, et un bon réseau virtuel (le tout pouvant se combiner à l’infini et au-delà).
Ton réseau académique se crée lors des colloques, des conférences, des activités scientifiques que tu mènes. Si tu as la chance d’avoir un·e promoteur·rice sympa, on peut dire que son réseau sera globalement intégré à ton réseau. Si tu n’as pas un·e promoteur·rice sympa (je sais ça parait DINGUE mais il parait que ça arrive), il va falloir un peu enfoncer les portes. Le réseau non-académique, à savoir celui qui va te permettre de prendre tes jambes à ton cou dès que tu en as l’occasion et quitter l’université, se crée un peu partout : les ami·es, les ami·es d’ami·es, la famille d’ami·es, les ami·es de la famille, les ami·es des collègues, les collègues des ami·es, bref tu vois le tableau. Et le réseau virtuel, s’il est souvent un peu négligé, est pourtant essentiel. LinkedIn, Twitter, Facebook, communautés de blogging : les possibilités sont nombreuses pour les prises de contact informelles qui peuvent déboucher sur de belles aventures (professionnelles hein, j’ai pas parlé de Tinder) (quoi que ça peut se tenter mais je ne veux pas être tenue responsable).
Mise à jour : Truc 2 ouf parce que j’ai carrément écrit un billet précisément consacré au réseau !
Il y a une vie après la thèse
J’en ai déjà parlé 2-3x par ici (okay j’en parle tout le temps, comme dans cet article consacré à 5 idées de carrières après la thèse), mais il est essentiel de taper un peu sur le clou : l’après-thèse est aussi un projet qui se prépare et s’affine progressivement ! C’est tout à fait lié au point précédent : l’avenir professionnel c’est un peu comme les avocats, il faut y penser avant, pour éviter les ennuis après.
Et une fois n’est pas coutume, je raconte pas que de la carabistouille. Même si, quand on débute une thèse, la question de l’avenir professionnel semble ultra lointain, voire complètement hors propos, il est important d’avoir conscience qu’il s’agit d’un enjeu essentiel qui peut conditionner la déroulé de la thèse. Let me explain.
L’idée n’est pas de savoir directement en commençant la thèse, où tu veux travailler après. Parce que même si tu as une idée très précise en tête, je suis dans le devoir de t’annoncer qu’il y a statistiquement 86% de chances que tu ne te tiennes pas à ce plan de vie (pourcentage non contractuel). En fait l’idée ici est de garder dans un coin de ton esprit les différentes possibilités que tu as après la thèse, de les affiner au fil de l’avancée de ton parcours et d’agir en conséquence. En effet, en fonction de la perspective envisagée, il faut penser de façon stratégique : développer son réseau hors du secteur académique si tu veux quitter l’université, ou déployer un plan d’action de publications ciblées et pertinentes, si tu as envie d’y rester. Cela vaut donc la peine de bien se renseigner sur les exigences et contraintes de certains financements postdoctoraux ou de certains profils de fonction pour construire un dossier intéressant !
Par exemple, si tu te vois bien décrocher un poste dans le domaine de la communication scientifique et de la vulgarisation après la thèse, pense à plutôt favoriser tes passages en radio, à avoir un blog scientifique, à participer à Ma Thèse en 180 secondes, plutôt que de vouloir absolument avoir 10 articles publiés dans des revues peer-blind-reviewées. Si par contre, tu veux te donner toutes tes chances dans le monde de la recherche et/ou de l’enseignement à l’université, identifie déjà des financements postdoctoraux et affine tes activités en thèse : publications dans des revues de ouf, séjours scientifiques à l’étranger, label européen, etc.
Attention, attention, j’en vois déjà deux dans le fond faire des grands signes et me dire que tout ne doit pas être fait dans une perspective utilitariste et uniquement tourné vers l’avenir. Alors je clarifie ma pensée : l’idée de garder tout ça dans un coin de sa tête, c’est pour éviter de se retrouver devant une offre d’emploi / possibilité de financement et se dire “Meeeeerle, si j’avais su ça, j’aurais sans doute fait un poil différemment pendant ma thèse”. Moi par exemple, je sais avec le recul que je n’ai pas assez profité des offres de formation doctorale parce déjà je ne savais pas que ça existait haha ce qui rend l’implication un peu compliquée, mais aussi parce que ça m’apparaissait comme une grosse perte de temps. Sauf qu’à se fermer uniquement sur sa thèse pendant des années, on a tendance à oublier qu’on est capable de faire autre chose, ce qui nourrit le fameux sentiment d’imposture et empêche d’optimiser sa recherche d’emploi.
Tu oublieras
Ça par contre c’est sûr que si on me l’avait dit quand j’étais en thèse, j’aurais ri un peu jaune en disant “nan mais tu peux pas comprendre okay”. Or, la vérité c’est que tu oublieras, tous ces jours, tout ce temps, qui n’appartenait qu’à ta thèse, ces réveils, le matin, ta thèse dans un coin de ta tête, et la rédaction que tu faisais n’importe où. Tu oublieras, tout le mal que tu avais, en te regardant souffrir, ces instants difficiles, où tu ne sais plus quoi dire, et qu’il faut simplement partir. Tu oublieras, les coups durs, les regards qui ne parlaient que de rédaction, tous ces mots que tu cherchais, pour faire la phrase parfaite. Tu oublieras, tu l’oublieras…
Désolée mais j’étais contractuellement obligée et maintenant tu vas l’avoir en tête toute la semaine. Mais tout ça, à défaut d’être très très bien écrit, est très très vrai : la thèse est faite de moments difficiles, pour tout le monde (pour certain·es plus que d’autres, indéniablement), mais comme pour tout, le temps efface les moments moins agréables. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai maintenant un bon souvenir de la période où j’étais en thèse (#fautpasdéconner), mais j’ai en tout cas petit à petit occulté les raisons qui m’ont poussée à bout, qui m’ont persuadée d’arrêter ma thèse, et qui m’ont provoqué des crises de larmes régulières. Je retiens avant tout que je suis arrivée au bout, je pense aux raisons pour lesquelles j’ai tenu bon, et que franchement, dans le fond, c’était pas si terrible. Alors on dit merci Larousso, qui avait définitivement tout compris.
Merci pour ce bel article et la chanson à laquelle je souscris sans demi-mesure.
En ce qui me concerne, je suis plutôt frustrée ces derniers temps par le manque d’implication des autres doctorant.es de mon labo (je suis représentante des doctorant.es et j’ai l’impression de ne servir à rien, tant quand j’organise des trucs, personne ne vient). J’essaye vainement de leur faire comprendre cette importance du réseau et de ne pas se retrouver seul.e, mais voilà, découragement, j’en ai (temporairement, j’espère) assez de me battre contre des moulins à vent.
Très intéressante réflexion! J’ai encore fait ma thèse à une époque où on te lançait dans l’arène et où tu étais (vraiment) seul(e). Heureusement, j’avais ma charge d’assistante à la fac.
Mais je sais aussi que cette expérience m’a fait comprendre que j’avais besoin d’un job où il y avait bcp de relationnel, de défis et d’échéances stressantes, contrairement à la thèse où ce fut pour moi un océan avec ses tempêtes et ses moments de calme et où j’avais l’impression que je ne verrais jamais la côte de l’autre coté.